C'est probablement la bonne nouvelle climatique de fin d'année: les forêts tropicales peuvent se régénérer toute seules, sans intervention humaine, avec une rapidité surprenante. En effet, il faudrait une vingtaine d'années pour qu'une forêt tropicale repousse partiellement. Ce processus est dû à un mécanisme multidimensionnel par lequel la flore et la faune des forêts anciennes aident une nouvelle génération de forêts à se développer –aussi connu sous le nom de «succession secondaire». Cette nouvelle est le fruit d'une étude conduite par un groupe de scientifiques et écologistes internationaux, qui ont publié leurs résultats jeudi 9 décembre dans la revue Science.
Lourens Poorter, professeur d'écologie fonctionnelle à l'université de Wageningen aux Pays-Bas et auteur principal de l'étude, est enthousiaste: «Vingt ans, c'est une période réaliste à laquelle je peux penser, à laquelle ma fille peut penser, à laquelle les décideurs peuvent penser», commente-t-il. Il ajoute que cette régénération naturelle porte davantage ses fruits que la plantation d'arbres. «Les performances sont bien meilleures en termes de biodiversité, d'atténuation du changement climatique et de récupération des nutriments», détaille-t-il. Le message qu'il souhaite porter est que la nature parvient à faire le travail toute seule, sans notre aide.
Revenir au statut de «vieille forêt»
Pour mener à bien cette étude, près d'une centaine de scientifiques se sont réunis pour analyser le déroulement de la repousse des forêts tropicales. Ce consortium de chercheurs s'est penché sur trois continents, 77 sites et 2.275 parcelles de terre dans les Amériques et en Afrique de l'Ouest. Douze critères spécifiques, comme le sol, le fonctionnement des plantes et la structure de l'écosystème et de la biodiversité, ont été évalués.
Pour obtenir des résultats rapides, l'équipe de scientifiques a modélisé les données obtenues grâce une technique appelée chronoséquençage –sans quoi ils auraient dû attendre plus de cent ans pour observer les effets dans le monde réel. Ils ont examiné en particulier ce qu'il advient des terres forestières tropicales utilisées pour l'agriculture ou l'élevage et ensuite abandonnées après quelques saisons. L'équipe a découvert que la partie ancienne de la forêt crée un écosystème nourrissant et interconnecté pour que la nouvelle forêt puisse se développer.
Différents aspects prennent plus ou moins de temps avant de retrouver les niveaux antérieurs d'une «vieille forêt». Le sol met en moyenne dix ans pour se régénérer, la communauté végétale et la biodiversité en ont besoin de soixante, tandis que la biomasse globale prendrait 120 ans, selon les calculs modélisés. Dans l'ensemble, les forêts tropicales peuvent revenir à environ 78% de leur capacité d'ancienne forêt en seulement vingt ans.
Ces résultats doivent néanmoins être pris avec précaution puisqu'ils dépendent de projections. Ils pourraient s'avérer cruciaux pour l'action d'atténuation du changement climatique à l'avenir.