Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Que se passera-t-il quand il faudra deux barils de pétrole pour en extraire un seul?»
La réponse de Simon Labrunie:
Il est tout à fait possible qu'on continue à exploiter le pétrole quand le rendement énergétique de son extraction sera devenu négatif, à la suite de l'épuisement des gisements les plus accessibles.
L'énergie ne vient pas nécessairement du pétrole, et inversement le pétrole ne sert pas qu'à produire de l'énergie. C'est aussi une matière première. On peut faire beaucoup de choses avec du pétrole, c'est même une branche entière du génie chimique, la pétrochimie. Malgré toute la mayonnaise montée autour des technologies vertes, les énergie fossiles ont encore un avenir.
La place qu'occupe le pétrole dans la production d'énergie perdra sans doute en importance: utiliser cette ressource fossile et limitée pour produire des engrais, par exemple, paraît stupide au-delà d'un calcul à court terme. La surconsommation de plastique par notre civilisation est effrayante. Mais une fois désintoxiquée de l'emballage à outrance, des joujoux moches et des gadgets à l'utilité douteuse, il restera encore bien des applications utiles –médicales ou industrielles, par exemple– à l'incroyable variété des matières plastiques. Il en est de même, j'imagine, de beaucoup d'autres produits que nous tirons du pétrole et dont la nature ne fournit guère d'équivalent.
Si l'humanité réussit sa transition écologique, le grand public se servira de beaucoup moins de plastique comme de produits pétroliers. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura plus besoin. Et il n'est pas sûr que la qualité des produits issus du recyclage soit suffisamment constante pour servir à l'ensemble des applications pointues –celles qui continueraient à utiliser les produits tirés du pétrole quand ce dernier sera devenu bien plus cher.
Le clap de fin est encore loin
La fonte des glaces en Arctique due au changement climatique ouvre l'accès aux gisements apparemment très volumineux jusqu'à présent enfouis dans cette région –nouvelle dont on ne sait si elle sera bonne ou mauvaise pour l'avenir du climat et pour celui de la géopolitique. Les grandes manœuvres ont déjà commencé. Certaines pour guérir l'humanité, d'autres qui s'inscrivent dans la continuité de la névrose de consommation qui guide les activités des sociétés développées.
À moins d'une révolution technique qu'on ne saurait prévoir, les besoins en pétrole en tant que matière première ne sont pas près de diminuer et il serait peut-être plus rentable de dépenser davantage d'énergie pour l'obtenir que de le brûler.
Quelle alternative?
Par quelle source d'énergie pourra-t-on remplacer le pétrole pour remplir des barils? Dans la version pessimiste, on peut redouter que ce soit le charbon. Les réserves mondiales de charbon sont proprement gigantesques, on en a pour des centaines d'années de consommation au rythme actuel, de quoi faire griller la planète à coup d'effet de serre si on s'avise de le brûler trop vite.
Dans la version optimisme, on peut espérer l'essor des techniques de stockage d'électricité et de production décarbonée. Je parierais sur une combinaison d'énergies renouvelables et de celle issue du nucléaire, plus propre et plus sûr que les filières actuelles. Certains, parmi lesquels Jean-Marc Jancovici, voient dans la filière du thorium le salut –ou plutôt l'un des éléments du «mix énergétique» qui permettra de continuer à produire du pétrole. D'autres avis s'y opposent. Il en est de même en ce qui concerne la fusion.