Chaque année et deux fois par an, les oiseaux migrateurs –soit environ une espèce aviaire sur cinq– parcourent des milliers de kilomètres pour se rendre sur leur lieu d'hivernage ou d'estivage. En ce moment, c'est l'époque des dernières caravanes d'oies ou de grues cendrées qui animent le ciel de leurs ballets synchronisés –non sans encombre lorsque la météo est mauvaise.
Si ça n'a pas l'air comme ça, même en hiver, passer leurs journées dans les airs a de quoi leur faire frôler la surchauffe, car plus ils prennent de l'altitude, même si les températures baissent, plus ils se rapprochent du Soleil et plus la luminosité augmente, à mesure que diminue l'efficacité des filtres UV atmosphériques. Quelles sont donc les astuces que l'évolution a offertes aux oiseaux migrateurs pour ne pas se transformer en poulets rôtis en cours de route?
Selon une étude menée par des ornithologues de l'Institut Max Planck en Allemagne et de l'université Massey, en Nouvelle-Zélande, les espèces migratrices ont tendance à avoir un plumage plus clair que celles qui sont sédentaires. Ces chercheurs avaient déjà montré que les oiseaux les plus clairs ont tendance à vivre sous les latitudes où les températures sont les plus élevées et où l'ombre se fait plus rare. Comme tout un chacun en a fait l'expérience en portant du noir sous le cagnard, un plumage plus clair permet aux oiseaux de rester relativement au frais sous un Soleil brûlant. En prenant connaissance de travaux sur le changement d'altitude de vol de certains oiseaux migrateurs –plus haute le jour et plus basse la nuit–, l'équipe menée de Kaspar Delhey a eu l'idée de se pencher plus précisément sur cette histoire de plumage.
Pour ce faire, ils ont codé les teintes (de 0 pour les plus foncées à 100 pour les plus claires) de toutes les espèces d'oiseaux répertoriées sur l'Encyclopédie des oiseaux du monde, l'une des bases de données les plus exhaustives à ce jour, avant de comparer ces informations avec le comportement migratoire de l'espèce, tout en contrôlant d'autres facteurs connus pour affecter la couleur du plumage. Par exemple, on sait que des contraintes d'aérodynamisme sont liées à un plumage dorsal foncé chez certains migrateurs, car un dos plus chaud provoque moins de frottements avec l'air et améliore donc par la même occasion les performances en vol.
Taux de mélanine
Il ressort de l'étude que plus les oiseaux migrent loin, plus ils perdent en mélanine: le plumage des espèces non migratrices est ainsi plus foncé que celui des migratrices, qui sont elles-mêmes plus claires lorsqu'elles volent sur de longues distances –une bascule intervenant lorsque les oiseaux avalent plus de 2.000 kilomètres par an.
Delhey lui-même se dit surpris par la constance de cet effet sur différents types de volatiles, qu'importe leur taille et qu'importe qu'ils soient aquatiques ou terrestres.
Des résultats qui rappellent l'importance de la température et, plus généralement, des facteurs climatiques dans l'évolution de la coloration des animaux. Et dont il est possible de tirer des éléments de compréhension sur les impacts du réchauffement climatique et les adaptations que les animaux pourraient finir par développer.