Monde

Qu'est-ce qui cloche entre Obama et Wall Street?

Temps de lecture : 2 min

Dans la jungle inextricable des relations entre Wall Street et la Maison Blanche, difficile de comprendre ce qui oppose si vivement Barack Obama aux ténors de la Bourse depuis plusieurs mois. Dans un long article très documenté (8 pages dans votre navigateur), l'hebdomadaire New York dissèque ces rapports ambigus sous un titre accrocheur aux intonations de best-seller: «Obama vient de Mars, Wall Street vient de Vénus.»

Dernier remous de ce binôme dysfonctionnel, l'instauration de la «règle Volcker», du nom du conseiller économique du président américain. De l'aveu d'un grand patron de banque, ce coup de semonce (les banques n'auront plus le droit de posséder des fonds spéculatifs ou d'y investir) a été perçu comme une attaque personnelle par les cols blancs de la finance. «Les gens de Wall Street ont eu l'impression d'être frappés dans les parties intimes après avoir été fouetté au visage», confie-t-il au journaliste John  Heilemann. Conséquence directe de cette mesure, le Dow Jones a plongé de 213 points dans la journée. Depuis, comme l'écrit Heilemann, «difficile de trouver quelqu'un dans la finance qui ne considère pas Barack Obama comme un être hybride, entre Bernie Sanders (le premier sénateur à se déclarer «socialiste») et Elridge Cleaver (figure historique des Black Panthers, ndlr)».

Pour expliquer ce sentiment d'amour et de haine mêlée, le magazine New York remonte au 4 décembre 2006, quand Obama n'était encore qu'un candidat potentiel à la présidence du pays collectant des fonds lors d'un dîner de la fondation Soros. Comme le précise l'hebdomadaire, le web a sans conteste été un levier important dans le financement de sa campagne, mais pas autant que les sommes - et la crédibilité - apportées par les banquiers. Parmi les sept plus gros sponsors de Barack Obama, trois étaient des méga-banques: Goldman Sachs, Citigroup et JPMorgan Chase.

Dès lors, on comprend mieux les réactions contrastées à la nomination de Timothy Geithner au poste de secrétaire au Trésor, l'année dernière. Aux yeux des Etats-Unis, c'est un banquier, élevé par Goldman Sachs. A Wall Street, on loue son esprit éclairé, mais on le considère comme un «régulateur». Et les rapports patinent. Pour certains, c'est «le mandarin Geithner contre les seigneurs de guerre». L'administration estime que le Troublet Asset Relief Program (TARP), le plan de stabilisation voulu par Obama, a réussi, mais que le phénix de la finance a pu renaître de ses cendres grâce à lui, sans avoir payé son droit de passage. De leur côté, les banquiers ne comprennent pas ce qu'ils perçoivent comme de l'acharnement. Lloyd Blankfein, patron de Goldman Sachs, et Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, sont des patriarches de Wall Street, mais aussi des démocrates convaincus.

Lors d'une réunion avec  les patrons des 13 plus grosses banques américaines, Barack Obama a récemment fixé une nouvelle quadrature, qui n'a pas été du goût de tous, notamment parce qu'elle prend en chasse les bonus mirobolants des spéculateurs. Presque immédiatement, les banquiers ont réagi en menant une campagne de lobbying contre les mesures économiques d'Obama. Pour expliquer ce mur d'incompréhension, certains spécialistes du milieu ont leur explication. Wall Street et les instances politiques n'ont pas le même rapport au temps. Roger Altman, conseiller au Trésor sous Bill Clinton, le formule de cette façon:

Wall Street se concentre sur les cinq dernières minutes ou sur les cinq prochaines.

Pour un investisseur du sérail, qui détaille un peu plus les cris d'orfraie des pontes de Wall Street, «ils prennent les attaques d'Obama personnellement, ne sont pas habitués à être impliqués en politique de cette façon, leur peau n'est pas assez tannée».

Mais pour expliquer la schizophrénie des rapports politico-financiers dans les hautes sphères de Washington et les buildings de New York, le mot de la fin revient à Heinemann lui-même:

Non pas qu'Obama, Summers ou Geithner ne s'intéressent pas aux déboires des banques, mais ce sont des technocrates qui ne veulent pas réformer le système, seulement le superviser d'une façon plus responsable.

[Lire l'article sur nymag.com]

Photo: Barack Obama / REUTERS, Kevin Lamarque

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