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La génération Z est en train de réhabiliter le téléphone à clapet

Temps de lecture : 3 min

Et d'intégrer à sa vie de vraies périodes de déconnexion.

Le Motorola Razr édition rose, qui a notamment fait le bonheur de Rihanna et Paris Hilton. | Lisa Brank via Flickr
Le Motorola Razr édition rose, qui a notamment fait le bonheur de Rihanna et Paris Hilton. | Lisa Brank via Flickr

C'était hier, et pourtant c'était une autre époque. En 2005, le téléphone mobile le plus vendu s'appelait le Motorola Razr, rappelle Mashable. ce téléphone à clapet était tellement en vue qu'on en trouvait même une version spéciale, éditée en série limitée, dans le sac de cadeaux remis au public des Oscars 2005. On a aussi vu Paris Hilton et Rihanna arborer fièrement l'édition rose, tellement à la mode à cette période.

Avec l'avènement des smartphones, on pensait les téléphones à clapet définitivement dépassés, mais la génération Z (aucun rapport avec Éric Zemmour) est décidément pleine de surprises. Mashable a interrogé de jeunes gens dans leur vingtaine, qui ont acquis un téléphone à clapet d'occasion pour des raisons diverses mais variées.

Dans le cas d'Amber Giesen, 26 ans, c'est une soirée déguisée sur le thème de l'an 2000 qui a déclenché l'achat d'un Razr rose sur eBay. Elle a d'ailleurs filmé l'ouverture du colis et le test du téléphone sur son compte TikTok. La faible résolution de l'appareil photo et le caractère rudimentaire des jeux proposés y sont quasiment présentés comme de charmants atouts. Le fameux attrait du vintage...

Sur TikTok, justement, le hashtag #flipphone est on ne peut plus populaire, avec plus de 227 millions de vues cumulées. Souvent agrémenté de petits stickers mignons, le téléphone à clapet y est vanté pour son charme désuet, mais aussi pour son aptitude à être utilisé comme burner phone. Ce terme désigne les téléphones à usage unique, non reliés à l'identité de leur possesseur, et qui permettent donc de gérer n'importe quel business ou de faire n'importe quelle blague en ayant beaucoup moins peur de se faire attraper.

Chez The Digital Fairy, agence de création réputée pour ses spécialistes en culture internet, on a d'ailleurs examiné de près ce que l'on nomme la «chute de l'esthétique Apple» chez des ados et des jeunes adultes en quête d'authenticité –d'où le retour aux écouteurs avec fil mais aussi aux caméscopes, très prisés par les jeunes vidéastes.

Mais le look ne fait pas tout. Il n'aura échappé à personne qu'un téléphone à clapet de 2005 ne fournit pas exactement les mêmes services qu'un smartphone produit en 2021. Mais certains membres de la génération Z, y compris parmi les plus influents, sont en train de remettre le mot «déconnexion» au centre des débats.

Car s'il est très difficile de décrocher de TikTok, Snapchat et Instagram lorsqu'on dispose d'un Apple ou d'un Samsung dernier cri, y compris en ayant fait un pacte avec soi-même, il est en revanche beaucoup plus simple de retrouver la fameuse «vraie vie» lorsqu'on dispose d'un téléphone qui ne fait pas grand chose de plus que téléphoner et envoyer des SMS.

«C'est le moment de prendre un téléphone à clapet pour l'été et de faire une pause de ces réseaux sociaux toxiques», pouvait-on lire dans une vidéo TikTok publiée en avril. La digital detox, même temporaire, est de plus en plus prisée, y compris chez les jeunes. Et c'est sans doute grâce à des téléphones moins perfectionnés que les modèles actuels qu'il leur sera possible de déconnecter pour de vrai.

Sept heures et vingt-deux minutes: c'est, en moyenne, le temps d'écran quotidien des ados d'aujourd'hui –ce qui n'inclut pas l'utilisation d'un ordinateur dans le cadre scolaire ou pour faire ses devoirs. Revenir à un ancien modèle de téléphone, c'est rester joignable tout en découvrant la véritable durée des journées. Des propos de boomer qui ne sont cependant pas dénués de vérité.

Une vie sans smartphone est-elle permise?

Mashable prend l'exemple de Nicky Shapiro, diplômé de Berkeley âgé de 23 ans, qui a utilisé un téléphone à clapet Alcatel de février à mai 2021, ne se remettant à réutiliser un smartphone que par obligation professionnelle. Shapiro a été motivé par la mélancolie d'une époque qu'il n'a pas connue: celle où on utilisait les téléphones publics et où on lisait le journal sur papier.

Le jeune homme raconte avoir particulièrement apprécié de s'être débarrassé d'une habitude pénible: celle de dégainer son smartphone à tout bout de champ et d'ouvrir son navigateur internet pour y taper n'importe quoi, même quand il n'avait rien à chercher.

Amber Giesen, elle, envisage d'utiliser réellement le téléphone Motorola qu'elle avait initialement acheté pour sa soirée à thème. Sans se séparer pour autant de son smartphone, elle songe avoir recours au Razr à clapet pour se rendre à des festivals musicaux, ce qui la débarrasserait de l'envie de poster des vidéos de concerts ou de parcourir les réseaux sociaux alors qu'il y a des groupes à voir et des gens avec qui discuter.

Reste que notre époque rend de plus en plus difficile le fait de ne pas posséder de smartphone. Bien souvent, il faut présenter un QR code (pass sanitaire, ticket d'entrée...) ou rembourser ses potes grâces à des applis comme Venmo ou Tricount. En outre, certains sites internet requièrent une double authentification pour se connecter, ce qui nécessite d'avoir son smartphone sous la main. «Désormais, c'est presque infaisable d'avoir un boulot en ville sans posséder de smartphone, explique Nicky Shapiro. Il faudrait vraiment être très privilégié pour parvenir à vivre en permanence avec seulement un téléphone à clapet...»

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