Un accord de dix millions d'euros, une fuite d'informations, un coup de gueule, un changement d'avis... Quand se terminera le feuilleton Santoro?
Tout a commencé le 18 mai quand, après trois ans et demi d'antenne, le journaliste italien Michele Santoro conclut un accord avec la Rai: dix millions d'euros pour quitter l'émission hebdomadaire qu'il a créé en septembre 2006, «Annozero». Les réactions sont immédiates: Berlusconi se serait-il payé la tête de ce redoutable polémiste?
Le Figaro soutient cette hypothèse. Michele Santoro présente tous les jeudis une émission d'une rare férocité, diffusée sur la deuxième chaîne de la RAI. A chaque fois, ce sont des sujets dérangeants, des débats orageux, un ton agressif et persifleur. En novembre dernier, plus de sept millions de téléspectateurs avaient assisté à la première interview de Patrizia D'Addario, la call-girl qui aurait couché avec Silvio Berlusconi.
Le pouvoir a cherché par tous les moyens à museler Santoro, l'accusant d'être un «factieux». Déjà en avril 2002, irrité par une émission l'accusant d'avoir fait fortune avec l'argent blanchi de la mafia, Silvio Berlusconi avait reproché au journaliste de faire «un usage criminel» de la télévision d'État. Peu après, la RAI annulait le contrat de Santoro, qui obtiendra malgré tout en 2005 d'être réintégré par les tribunaux. Dernièrement, Berlusconi a renouvelé ses attaques contre le journaliste, exerçant de fortes pressions sur le président de l'Autorité pour les télécommunications afin d'obtenir son éloignement de la RAI. Et finalement, Michele Santoro accepte dix millions d'euros d'indemnités de l'émetteur pour quitter RAI 2.
Un départ qui en irrite plus d'un, explique le quotidien La Stampa. «Etre un journaliste persécuté rapporte», déclare le présentateur Bruno Vespa, visiblement agacé par la somme perçue. Côté politique, Roberto Dao, du parti Udc (Unione di Centro), demande des explications: «Les télespectateurs et tous les Italiens ont le droit de savoir immédiatement, avec la plus grande transparence et dans les moindres détails, les modalités et les termes économiques qui ont abouti à cet accord».
Des éclaircissements que Michele Santoro a fournis jeudi 20 mai, au cours de son émission, et disponibles sur le site de La Repubblica. «Après des années d'ostracisme, un auteur a besoin de liberté pour pouvoir imaginer son futur». Le journaliste s'est déchaîné contre le président du Conseil, le parti d'opposition Pd (Partito Democratico), des «charlatans» d'après ses termes, et la presse. «Quel journaliste aurait diffusé une émission avec la call-girl Patrizia d'Addario en ayant reçu un ordre dix minutes avant le début du programme?»
Après vingt minutes de critiques qui n'épargnent personne, Michele Santoro s'en remet aux téléspectateurs, les seuls «à avoir raison» et qui peuvent même l'«insulter». «Je n'ai pas encore signé, et si vous souhaitez que je reste, il suffit de le demander».
Finalement, ce ne seront pas les spectateurs qui auront convaincu le journaliste à rester, mais les rumeurs. Trop d'indiscrétions, trop de commentaires, et Santoro fait un pas en arrière et décide de continuer son émission, refusant par la même les sept millions d'euros d'indemnités:
[Lire les articles sur Le Figaro, la Stampa, et la Repubblica]La fuite d'informations a mis fin à la discrétion indispensable pour un possible accord avec la Rai. Et a favorisé des interprétations fantasques qui ont nui à mon image.
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Photo: Raiperunanotte, ttan_ via Flickr CC License by