France

Claude Allègre: réformer le Sénat, c'est pourtant simple

Temps de lecture : 2 min

Un Sénat qui représenterait vraiment les territoires, comme en Allemagne, règlerait de nombreux problèmes, à commencer par celui du cumul des mandats.

Deux réformes législatives sont à l'ordre du jour dans des circonstances totalement différentes. D'un côté, le gouvernement a mis en chantier un projet de loi réformant les collectivités territoriales afin de réduire le millefeuille institutionnel. De l'autre le Parti socialiste a remis à l'ordre du jour dans son projet de programme le non-cumul des mandats. (Idée dont je fus autrefois l'un des ardents défenseurs, ce qui ne m'attira pas que des sympathies au sein de l'establishment socialiste).

Ces deux idées semblent relever de deux logiques disjointes et pourtant elles pourraient simplement prendre place dans une réforme plus globale qui pourrait, si ce n'est faire consensus, tout le moins rassembler beaucoup plus de partisans. La clef de voûte de ce qui pourrait constituer une synthèse, c'est un sujet dont on ne parle pas aujourd'hui: la réforme du Sénat. L'impossible réforme du Sénat!

Pourquoi ne pas s'acheminer vers un Sénat de type Bundesrat, qui serait véritablement l'instance nationale des territoires. Le Sénat revendique cette fonction, mais il représente mal les territoires!

Supposons un Sénat où siégeraient ex-officio les maires des grandes villes, les présidents de conseils généraux et régionaux et qui serait complété par une moitié d'élus sur des listes régionales à la proportionnelle. Ceci résoudrait la question du non-cumul des mandats.

Les grands élus font valoir, avec raison, que les priver d'un contact «avec Paris» c'est les priver d'un levier important pour défendre les intérêts de leurs collectivités, mais plus encore de faire prendre en compte dans les débats nationaux les particularismes de ces dernières. Cette ambition serait satisfaite par le nouveau Sénat. Le rythme de réunion serait modifié (par exemple une fois par semaine, plus quelques sessions plus compactes au moment des débats budgétaires). On pourrait alors appliquer avec rigueur le non-cumul aux députés qui pourraient se consacrer à leurs fonctions nationales.

Par ailleurs, la double représentation territoriale ex-officio et élective sur sanction de liste permettrait de réfuter l'argument de ceux qui disent que la réforme prévue va affaiblir les régions, en les transformant en cartels de départements tout en laissant beaucoup de pouvoirs à ces derniers.

On pourrait donner à un tel Sénat le pouvoir décisionnel sur toutes les questions d'organisation territoriale, rassurant ainsi les élus locaux vis-à-vis des tentatives périodiques de recentralisation de la part d'un Etat Léviathan.

A tous ces avantages s'ajouterait bien sûr l'argument fondamental de la convergence institutionnelle avec l'Allemagne. Ce nouveau Sénat serait dans son esprit un Bundesrat. Or, lorsqu'on examine la crise européenne aujourd'hui, il est bien clair que l'Europe ne retrouvera son efficacité qu'avec une convergence franco-allemande forte et en particulier la mise en place d'un Conseil permanent, décisionnel sur les questions économiques. (Comme le souhaitait dès 1963 le Général De Gaulle!)

Si on veut également organiser des débats parlementaires franco-allemands croisés, cela implique des structures comparables. Le projet paraît si simple et apparent que l'on se demande pourquoi il n'a pas été mis en place plus tôt! Le Sénat est déjà largement composés de grands élus territoriaux, alors pourquoi ne pas pousser la logique jusqu'au bout?

La réponse est à rechercher dans une logique politicienne. Toute réforme équitable du Sénat risque de faire basculer cette assemblée vers la gauche, ce qui ne serait que la traduction de la réalité politique du pays. On continue donc à perpétuer un type d'assemblée baroque avec un type d'élection complexe et injuste. Est-ce un avantage pour le pays?

Dès l'an prochain, les choses pourraient changer. La gauche pourrait obtenir la majorité au Sénat. Rien alors ne s'opposera à la réforme globale des institutions. Enfin, espérons-le.

Claude Allègre

Photo: L'hémicycle sénatorial. DR

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