Le plagiat est né dans la littérature. Il concerne d'abord celui qui tentait d'usurper le style d'un auteur illustre, puis au XIXe siècle devient lié à la jeune notion de droit d'auteur, pour en arriver aujourd'hui, par exemple, aux accusations de plagiat de Marie Darrieussecq par Marie NDiaye et Camille Laurens en 1998 et 2007. Ou à nos copier-coller sur Word. En tout cas, le plagiat n'a rien de neuf. Mais encouragé par la facilité d'accès aux sources grâce au numérique et à Internet, c'est l'ampleur du phénomène qui est nouvelle, explique l'expert en plagiat «autodidacte» Jean-Noël Darde, dans un entretien à Libé.
Après avoir en 2005, repéré 10 mémoires plagiés -ou en tout cas problématiques- sur plus des trente qu'il devait évaluer pour un jury, Jean-Noël Darde, maître de conférences à Paris 8, décide de se lancer à la poursuite des plagiats et ouvre en décembre 2009 son blog Archéologie du copier-coller.
Par son initiative, il se démarque d'une passivité dominante chez ses collègues. Car ce que l'on connaît moins sans doute sur le plagiat, ce sont ses effets pervers. Une thèse-plagiat découverte dans un labo, et c'est l'ensemble des thèses qui se retrouvent dévaluées. Du coup, explique Jean-Noël Darde:
Certains hésitent à briser la loi du silence: s'ils font état de la tolérance au plagiat de collègues, ce sont leurs propres doctorants qui vont en subir les conséquences.
Ces dernières années, la multiplication et le renforcement des créations de logiciels anti-plagiat a provoqué la colère des étudiants. La ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, avait recommandé l'utilisation de Compilatio.net. Mais comme tous les logiciels, ses limites sont importantes. Il ne repère que les copier-coller stricts. Un doctorant de l'EHESS qui avait fait passer son chapitre plagié au contrôle de Compilatio.net n'avait été accusé que de 9% de plagiat... Jean-Noël Darde connaît lui toutes les astuces des plagieurs. Il a fini par développer une technique de décryptage:
Il y a des indices qui sautent aux yeux: des ruptures de style, des concentrations d'erreurs orthographiques qui côtoient de larges extraits sans faute, des problèmes de cohérence.
L'expert du plagiat pointe les deux techniques qui passent à travers les mailles du filet. Le plagiat qu'il appelle «en forme de saucière gras-maigre»: «à partir d'un seul copier-coller, l'auteur fait deux plagiats séparés, non repérables par le logiciel». Et le second qu'il appelle le «briquet de Darwin» quand l'auteur a traduit un texte avec le logiciel de traduction Alta Vista et a fait un copier-coller.
Alors comment faire face à ce phénomène? L'universitaire anti-plagiat rappelle le retard de la France par rapport aux Etats-Unis, où on accorde beaucoup plus d'importance au plagiat, et où l'on n'hésite pas à annoncer des sanctions sévères aux premières années.
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