Après les lionnes, les ourses et les louves, la prochaine métaphore du dévouement parental prendra-t-elle la forme... d'un radis?
Si on en croit une étude menée par des chercheurs de Stanford, pour se protéger de chenilles voraces, la forme sauvage de ce petit légume active différents gènes anti-prédateurs au cours des phases les plus cruciales de son existence. Autant de stratégies défensives que les plantes sont capables de transmettre à leur progéniture et que celle-ci activera au moment où elle est la plus vulnérable.
Que les végétaux puissent s'armer de défenses chimiques et physiques (toxines, épines, etc.) n'a rien d'une découverte. Pour la petite histoire évolutionnaire, toutes les drogues –que ce soit la cocaïne, l'opium, la caféine, les hallucinogènes ou encore la nicotine– sont à la base des neurotoxines végétales. Ces substances toxiques pour les insectes ont été façonnées par la sélection naturelle car les plantes les secrétant sont moins susceptibles d'être grignotées et ont donc plus de chances de survivre et de se reproduire. Et si ces substances nous font de l'effet, comme elles perturbent le système nerveux des invertébrés, c'est parce que nos ancêtres se sont séparés des lignées d'arthropodes à l'origine des insectes modernes voici environ 500 millions d'années.
Les enfants radis ne manquent pas de ressources
Chez les radis sauvages, les défenses contre les prédateurs prennent la forme de poils hérissés sur leurs feuilles et de la sécrétion d'une huile toxique –substance qui donne son piquant aux formes cultivées, les radis étant de la même famille que la moutarde. En outre, comme souvent chez les plantes, les gènes responsables de la production des défenses anti-prédateurs sont «activés» par un «interrupteur» chimique, la méthylation de l'ADN. Le processus est un exemple de mécanisme épigénétique modifiant le comportement des gènes sans altérer stricto sensu leur séquence.
Mais si elles sont très efficaces pour se protéger des prédateurs, ces défenses représentent un sacré coût pour les plantes, qui consentent dès lors à un tel investissement uniquement lorsqu'il leur est le plus profitable. Ce qu'éclaire l'étude réalisée par l'équipe de Rodolfo Dirzo, professeur de sciences de l'environnement à Stanford, c'est la manière dont les végétaux répartissent ces ressources défensives au fil du temps et des générations.
Afin de mieux le comprendre, l'équipe de recherche a mené une expérience multigénérationnelle en serre avec des radis sauvages et leur principal prédateur, la chenille de la piéride du chou. Les chercheurs allaient laisser les larves attaquer les plantes pendant deux semaines, à deux stades clés de leur vie: lorsque les plantules (les jeunes plantes) avaient sorti leurs deux premières feuilles et au moment de la floraison des adultes. Comme échantillon témoin, les scientifiques ont protégé un groupe de radis de l'appétit des chenilles.
Ensuite, les chercheurs ont mesuré l'efficacité des défenses physiques de chaque plante en comptant la densité des poils sur des échantillons de feuilles. Les défenses chimiques, la fameuse huile de moutarde exsudée par les feuilles, ont également été recueillies et analysées. Enfin, les tissus foliaires des plantes attaquées et non attaquées ont été analysés pour détecter des signes de méthylation.
L'étude montre ainsi que les radis sauvages activent des défenses chimiques en réponse aux attaques des chenilles et que la progéniture des plantes attaquées sait d'autant mieux se défendre. Elle montre aussi que l'activation des défenses se fait en fonction de l'âge des enfants radis. Elle est effectivement plus forte chez les plantules, ce qui est biologiquement logique car c'est aussi à ce stade du développement que le danger mortel des attaques de chenilles est le plus élevé.