Monde

Alexandria Ocasio-Cortez, la plus belle pour aller taxer

Temps de lecture : 3 min

En s'affichant avec une robe blanche floquée de la mention «Taxons les riches», la députée démocrate est gentiment venue rappeler au gratin du Met Gala qu'il va falloir passer à la caisse.

Alexandria Ocasio-Cortez et Aurora James au Met Gala à New York, le 13 septembre 2021. | Mike Coppola / Getty Images North America / AFP

Le gala du Metropolitan Museum of Art, qui rassemble chaque année depuis 1948 les stars internationales et la haute bourgeoisie américaine, a fait son retour cette semaine après deux ans et demi d'absence, crise sanitaire oblige. Habituellement programmé le premier lundi du mois de mai, la grand-messe de la mode s'est finalement tenue le 13 septembre.

Pour cette édition 2021, Anna Wintour, rédactrice en chef du magazine Vogue, avait convié les personnalités les plus en vue à prendre la pose et défiler devant les photographes. Mais malgré la présence de Kim Kardashian, Lil Nas X, Lily-Rose Depp ou encore Jennifer Lopez, c'est Alexandria Ocasio-Cortez, députée démocrate de l'État de New York, qui a attiré les regards.

Habillée d'une robe blanche près du corps où il était écrit en grand et en rouge «TAX THE RICH», la jeune élue a fait le buzz sur les réseaux sociaux et dans la presse. Applaudie par les uns, critiquée par les autres, AOC a frappé fort en réussissant l'exploit d'éclipser toutes les vedettes de la soirée. À quelques jours d'un vote crucial d'un vaste plan sur les infrastructures, le climat et le social estimé à 4.000 milliards de dollars dont le financement pourrait reposer en partie sur une importante réforme fiscale, cette mise en scène était mûrement réfléchie.

Un pied de nez aux gardiens du système

La couverture médiatique du Met Gala n'est généralement qu'un enchaînement d'articles sans fond où les seules analyses concernent la couleur de la robe de telle actrice ou la nouvelle coupe de cheveux du dernier chanteur à la mode. Pourtant, il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce type d'événement rassemblant la crème de la bien-pensance et, parfois, de l'hypocrisie.

Très mobilisés sur les thématiques de l'antiracisme, de la défense des minorités sexuelles ou du vivre-ensemble, les riches fortunés qui ont foulé le tapis rouge sur la Cinquième Avenue à New York lundi sont généralement beaucoup plus silencieux lorsqu'il s'agit d'évoquer la répartition des richesses, les inégalités économiques et la remise en cause de certains privilèges. Auparavant choyé par l'establishment démocrate, ce petit milieu n'a plus toutes les faveurs de la gauche américaine.

Le rapport de force politique au sein des Démocrates a changé en 2016 avec la défaite d'Hillary Clinton face à Donald Trump et l'influence grandissante de Bernie Sanders. L'arrivée au Congrès en 2018 de jeunes élues plus radicales et le soutien d'une majorité d'Américains aux idées progressistes sur la santé, l'économie ou encore l'environnement, ont contribué à décentrer le parti. Avec un Joe Biden attentif aux demandes de son aile gauche, le libéralisme et l'accumulation de richesse sans limite ne sont plus en odeur de sainteté à la Maison-Blanche, ni au sein de la majorité au Congrès.

En s'affichant fièrement avec une robe blanche floquée de la mention «Taxons les riches», Alexandria Ocasio-Cortez est gentiment venue rappeler à tout ce beau monde qu'il va falloir passer à la caisse.

Faire contribuer les plus fortunés à la reconstruction de l'Amérique

La date du Met Gala correspond à la reprise du travail du Congrès –après la pause estivale– où plus de 4.000 milliards de dépenses et d'investissements sont actuellement en cours de négociations. Ce gigantesque plan, qui devrait être voté courant octobre, est une promesse de campagne de Joe Biden qui souhaite remettre l'Amérique sur les rails après une crise sanitaire et économique qui aura révélé au monde entier la fragilité de la première puissance mondiale.

Après avoir fait adopter un plan de soutien à l'économie de 1.900 milliards de dollars en mars 2021, le président démocrate souhaite passer à la vitesse supérieure en lançant de grands travaux sur les infrastructures américaines vétustes et en mettant en place d'importantes réformes sociales et environnementales.

Le financement de ce projet repose en majeure partie sur une réforme fiscale visant à accroître l'imposition sur les grandes fortunes et les entreprises. Alexandria Ocasio-Cortez, qui soutient ardemment ce dispositif, a profité des nombreuses caméras braquées sur le Met Gala pour en faire, de façon détournée, la promotion.

Et ce n'est pas un hasard si la date du 13 septembre a été retenue par la congresswoman pour cette sortie remarquée. Le lendemain, les détails de cette réforme envisagée par les Démocrates ont été rendus public par le Joint Committee of Taxation du Congrès et Joe Biden s'est fendu d'un tweet indiquant que «cela fait trop longtemps que les plus fortunés profitent sur le dos de la classe moyenne».

Une bataille politique est plus facile à mener lorsque l'opinion publique s'empare du sujet. Mais il faut pour cela que les médias s'y intéressent et ça, AOC l'a bien compris.