Culture

Comment les stups français ont fait tomber le neveu de Pablo Escobar

Temps de lecture : 3 min

Dans «L'affaire B52» de Paradiso Media, un ancien flic raconte la folle enquête qui a mené à l'arrestation des héritiers du cartel de Medellín sur le territoire français.

Ce 30 novembre 2016, les stups savent qu'à l'intérieur d'un entrepôt de la zone industrielle de Bayonne se trouve une importante cargaison de cocaïne importée par le cartel de Medellín. | Huebert World via Unsplash
Ce 30 novembre 2016, les stups savent qu'à l'intérieur d'un entrepôt de la zone industrielle de Bayonne se trouve une importante cargaison de cocaïne importée par le cartel de Medellín. | Huebert World via Unsplash

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Zone artisanale Saint-Frédéric, Bayonne, 30 novembre 2016, 18h30. Une série de vans en provenance de l'aéroport privé de la ville se garent devant un entrepôt d'apparence assez quelconque. Méthodiquement, des hommes déchargent une trentaine de lourdes valises et entrent dans le bâtiment. Tout a l'air calme et pourtant, dans quelques minutes, des agents de la brigade des stupéfiants de Nanterre et de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) armés jusqu'aux dents vont forcer la porte de l'entrepôt pour les interpeller.

Ils savent qu'à l'intérieur se trouve une importante cargaison de cocaïne importée en France par le cartel de Medellín. Que vient donc faire l'organisation fondée par Pablo Escobar dans une zone industrielle du Pays basque? Et comment les flics français sont-ils si bien renseignés? Ce sont les dessous de cette histoire vraie aux allures de film d'action que raconte Antoine, flic des «stups» chargé de l'opération dans L'affaire B52, podcast produit par Paradiso Media et diffusé pendant l'été.

Une enquête au long cours

Les huit épisodes ne sont pas de trop pour détailler les étapes de l'enquête qui a occupé Antoine et ses collègues pendant un an. Au micro de la journaliste Constance Vilanova, qui écrit par ailleurs pour l'émission «Affaires sensibles» de France Inter, Antoine reprend l'enquête du début, sous un nom d'emprunt et avec une voix maquillée pour se protéger d'éventuelles réprésailles.

Tout commence en novembre 2015 lorsque trois agents de la DEA, les stups américains, pénètrent dans les locaux de l'office des stups à Nanterre avec une information: ils ont repéré des Français qui viennent se fournir en cocaïne en Colombie et les suspectent de préparer une grosse livraison dans l'Hexagone pour le cartel de Medellín. Antoine et ses collègues n'en croient pas leurs oreilles: «C'est un peu un fantasme pour un flic des stups: Pablo Escobar, la cocaïne, la Colombie, on connaît tous. Et quand ils viennent nous raconter ça, je veux pas dire que c'est comme un Graal mais ça nous excite tous.»

Il faut dire que ça change des go fast à la frontière belge et des petits dealers de shit des cités. Aiguillée par les agents de la DEA, l'équipe d'Antoine se rend à Bordeaux pour prendre en filature celle du neveu de Pablo Escobar venue en repérage. Débute alors une enquête minutieuse qui va les pousser à collaborer avec les polices colombienne, américaine, espagnole et belge, avec toujours en ligne de mire l'espoir d'un gros coup de filet.

L'affaire d'une vie

Cinquante-deux: c'est le nombre de missions qu'Antoine et son équipe ont dû effectuer avant de procéder à l'interpellation d'une dizaine de narcotrafiquants et à la saisie de 1,134 tonne de cocaïne aux pains floqués d'un taureau, clin d'œil des Colombiens à la ville de Bayonne. Filatures de trois jours qui se transforment en trois semaines, journées interminables planqués dans des voitures, relations avec le parquet, collaboration avec leurs homologues étrangers, pose de micros... Antoine dévoile en grande partie les méthodes des policiers français, tout en prenant soin de ne pas donner trop de détails.

«Je voulais que la série soit la moins jargonnante et la plus pédagogique possible, explique Constance Vilanova. Quand les équipes de Paradiso m'ont présenté Antoine pour la première fois, j'étais larguée: il parlait de “tontons”, de “nourrices”, de “livraison surveillée”, je ne comprenais pas. Je voulais que la série puisse intéresser des gens comme moi, qui ne sont pas familiers avec le trafic de stupéfiants ou la série Narcos, et aussi qu'elle parle de fait-divers autrement, de façon plus intime.»

Cet objectif, L'affaire B52 le remplit: en plus de dévoiler les coulisses d'une grosse opération de police, le podcast met en lumière l'implication totale des flics qui travaillent sur ce genre de grosses affaires. À commencer par Antoine qui relate à plusieurs reprises les tensions que «B52» fait peser sur son couple qui s'étiole à chaque mission de surveillance.

Coécrite par Constance Vilanova et Antoine, la série se déploie petit à petit à grand renfort de cliffhangers façon feuilleton télévisé, jusqu'à la scène finale de l'assaut racontée dans le huitième épisode qui sera diffusé lundi 30 août. Malgré le ton un peu scolaire de la journaliste au début de la série, L'affaire B52 séduit par sa pédagogie et par l'échange entre Constance Vilanova et Antoine, personnage passionné et passionnant qui mériterait une saison 2.

Au programme, déjà? «Non, répond la journaliste, mais je pense que nous serions tous les deux motivés pour parler d'une autre affaire ou pourquoi pas de sa carrière au sens large.» Ce récit-là, il serait dommage de ne jamais l'entendre, tant on devine à quel point la carrière d'Antoine, passé par le 36, quai des Orfèvres notamment, regorge d'histoires incroyables et d'anedoctes croustillantes.

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