Santé

À La Réunion, une méfiance contre les vaccins et un retour du couvre-feu

Temps de lecture : 5 min

À la suite des annonces d'Emmanuel Macron, l'île est l'un des deux départements français à vivre de nouveau en état d'urgence sanitaire.

La Réunion a affrété des vaccinobus grâce auxquels 150 personnes par jour en moyenne se font vacciner. | Richard Bouhet / AFP
La Réunion a affrété des vaccinobus grâce auxquels 150 personnes par jour en moyenne se font vacciner. | Richard Bouhet / AFP

À Saint-Paul (La Réunion)

C'est un jour férié pas comme les autres sur le front de mer de Saint-Paul à La Réunion. En ce 14 juillet, un bus un peu particulier est stationné sur un parking où près d'une centaine d'habitants patientent en file indienne, un papier à la main.

Dans le but de faciliter davantage l'accès à la vaccination contre le Covid-19 au plus grand nombre, l'Agence régionale de santé (ARS) de La Réunion a mis en place mi-juin un dispositif de vaccination itinérant et sans rendez-vous: le vaccinobus.

Kenny, 20 ans s'est levé tôt pour recevoir sa première injection: «À la base, je ne voulais pas vraiment me faire vacciner. J'estimais que ce n'était pas pour les jeunes comme moi mais pour les personnes à risques et les personnes âgées. Mais quand le président a annoncé les restrictions et l'obligation vaccinale pour aller un peu partout, j'ai décidé de sauter le pas.»

Sur l'île, 23% de la population vaccinée

Avec un niveau de vaccination insuffisant et des chiffres qui s'affolent depuis plusieurs semaines, le chef de l'État Emmanuel Macron annonce le 12 juillet que la Martinique et La Réunion vont repasser en état d'urgence sanitaire.

Dès le lendemain, le préfet de La Réunion, Jacques Billant apporte quelques précisions en instaurant un couvre-feu de 23 à 5h pour une durée de trois semaines minimum et ajoute: «C'est un message d'alerte, le dernier avant des mesures plus strictes.»

Alors que le département faisait figure d'exception il y a encore quelques mois en laissant ses cinémas ouverts contrairement à la métropole, la situation est tout autre aujourd'hui.

Il faut dire que les chiffres sur ce territoire ultramarin ont de quoi alarmer. L'apparition du variant Bêta (dit sud-africain) et plus récemment du variant Delta (dit indien) sur l'île ont fait flamber le taux d'incidence ces dernières semaines. Il frôle désormais les 170 cas positifs pour 100.000 habitants. Par comparaison, le taux actuel en France métropolitaine est de 40.

Au 13 juillet, 40 lits de réanimation étaient occupés par des patients positifs au Covid-19 sur les 112 lits de réanimation comptabilisés à La Réunion. Le dernier point hebdomadaire évoque également dix décès survenus entre le 3 et 9 juillet. Aucune des personnes ne disposait d'un schéma vaccinal complet.

Pour le professeur Xavier de Paris, épidémiologiste et directeur de la veille et de la sécurité sanitaire à l'Agence régionale de santé de La Réunion, la faible couverture vaccinale explique la situation: «À La Réunion, elle est deux fois moins importante qu'en métropole. Vingt-trois pourcent de la population de plus de 18 ans est vaccinée.»

Un problème d'accès à la vaccination?

Située à plus de 9.000 km de la métropole, l'île dispose-t-elle d'un nombre suffisant de doses? Apparemment non, selon le professeur Xavier de Paris qui assure que «tout est mis en place pour une vaccination de masse avec 40.000 injections possibles par jour». Deux vaccins sont utilisés ici: Pfizer et Janssen.

Île volcanique et montagneuse, La Réunion compte plusieurs îlets (villages des hauts isolés) où les conditions d'accès peuvent parfois s'avérer compliquées en fonction de la météo. «L'ARS a tout mis en œuvre pour que l'ensemble des différents lieux du territoire soient couverts. On a fait des opérations à Mafate, dans les cirques de Salazie et de Cilaos. Après on se rapproche des communes qui nous mettent à disposition des locaux pour ouvrir des centres éphémères sur deux ou trois jours, qui s'ajoutent aux neuf centres fixes. Ils sont ouverts depuis plusieurs mois et ils le resteront le temps qu'il faudra», explique Philippe Bourrel, conseiller technique à l'ARS Réunion.

L'accès à la vaccination ne serait donc a priori pas un obstacle sur l'île Bourbon. La raison de cette couverture vaccinale insuffisante serait alors peut-être à chercher du côté des réticences de la population. Depuis le début de la campagne, de nombreux Réunionnais affichent leur méfiance vis-à-vis des vaccins anti-Covid. Selon un sondage Sagis publié début juin par Réunion la 1ère, 58% des Réunionnais ne font pas confiance au vaccin.

«En plus de dix ans, ils n'ont jamais réussi à trouver un vaccin contre la dengue et là, en seulement quelques mois, ils ont trouvé un vaccin contre le Covid. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles!», s'emporte Michel. «Je ne suis pas un rat de laboratoire, ni un mouton», ajoute Mireille. «La résistance est peut-être due à une méconnaissance», constate Philippe Bourrel, conseiller technique à l'ARS Réunion.

«L'état d'urgence est le dernier message d'alerte avant des mesures plus strictes.»
Jacques Billant, préfet de La Réunion

Ces prises de position sont loin d'être isolées. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les réseaux sociaux dès qu'un article de la presse locale est mis en ligne sur le sujet. Maïka, qui travaille pour la protection de l'enfance, est vaccinée depuis le début de la campagne. «Je pense que c'est à cause des informations contradictoires qui circulent beaucoup. Les personnes n'arrivent pas à se positionner.»

Une résistance qui s'observe également dans la rue. Au lendemain des annonces d'Emmanuel Macron et du préfet, quelques centaines de personnes ont manifesté leur désaccord dans le chef-lieu de l'île. Plusieurs collectifs s'opposent au port du masque ou encore à la vaccination rendue obligatoire, selon eux, avec les conditions imposées par le pass sanitaire.

Le fameux sésame qui permettra de continuer à avoir une vie sociale et culturelle sera mis en place dès le 21 juillet sur l'ensemble du territoire français. Cette annonce fait réfléchir Thierry: «Cela crée un conflit intérieur. On a peur des effets secondaires, mais finalement, la seule échappatoire pour sortir de ce labyrinthe va être de s'y faire.»

L'imposition du pass sanitaire, un levier qui semble produire ses effets

À Saint-Paul, David vient tout juste de recevoir sa première dose dans le vaccinobus, qui a connu une fréquentation record. Accompagné de son épouse, il avoue y être allé à reculons: «J'estimais qu'il fallait encore attendre un peu pour se faire vacciner. J'étais très hésitant mais les annonces du président m'y ont un peu obligé.» Un sentiment partagé par Stéphanie: «On nous l'impose indirectement, mais je le fais pour vivre correctement.»

Avec une opération comme le vaccinobus, 150 personnes sont vaccinées en moyenne dans la journée. Un objectif largement atteint en ce 14 juillet dans la deuxième ville plus peuplée de l'île. Même s'il fallait patienter près de deux heures pour recevoir une première dose, 300 Réunionnais ont répondu à l'appel.

Jusqu'à fin août, le bus circulera aux quatre coins de l'île afin de permettre au plus grand nombre d'accéder à la vaccination sans rendez-vous.

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