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Trois cents calories par jour. C'est tout ce que Mathilde s'est autorisée à ingérer pendant plusieurs mois. Désormais guérie de ses troubles du comportement alimentaire, cette ancienne anorexique confie son histoire au micro de son amie, la journaliste Lola Bertet, dans une série documentaire poignante intitulée Anorexie, mon amie et produite par le média en ligne Frictions.
La lune de miel
L'année de ses 20 ans, Mathilde commence à ressentir un malaise grandissant. Elle ne supporte plus d'avoir des formes, de la poitrine, un corps sensuel bien loin de son idéal de féminité longiligne. Elle rêverait de ressembler à Jane Birkin ou à Françoise Hardy, d'avoir un corps de brindille, d'être «la Parisienne» un peu androgyne qu'elle admire. Mathilde veut être perçue comme intelligente, pas comme désirable. Sa solution: mincir.
Petit à petit, la jeune femme retire des éléments de son alimentation pour entamer son régime: d'abord les gâteaux, puis les sucreries en général. Suivent le pain, les laitages, l'alcool… Elle fond à vue d'œil, galvanisée par les encouragements de ses proches qui la complimentent sur son physique plus svelte. Dans son milieu bourgeois, il est de bon ton pour une femme d'être mince.
Rapidement, le régime tourne à l'obsession. Mathilde se met à compter les calories de tout ce qu'elle ingère et tâche de ne pas dépasser les 300 calories quotidiennes qu'elle s'est fixées arbitrairement –là où une personne adulte a besoin d'un apport de 1.500 à 2.000 calories par jour pour être en bonne santé. «La nourriture n'était plus quelque chose pour me nourrir, c'est devenu un jeu: avoir le moins de calories possible. Je passais ma journée à compter.» Au bout de cinq mois, elle a perdu quinze kilos mais ne parvient pas à s'arrêter.
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La spirale infernale
Une poignée de céréales sans sucre, deux pommes mangées très lentement, une galette de riz soufflé dont chaque pétale est plongé dans le vinaigre, du soda light et des cornichons à volonté. Pendant des semaines –des mois, peut-être– voilà ce que mange Mathilde chaque jour. Elle compte les calories, les pas, les heures de sommeil, le nombre d'abdos qu'elle fait chaque jour. Elle tombe dans l'hyper contrôle. «C'était la première fois que je me sentais belle, capable, en contrôle et en puissance», explique-t-elle.
Obsédée par les valeurs nutritionnelles de ce qu'elle ingère, seuls ces quelques aliments trouvent grâce à ses yeux lors de ses longues et douloureuses visites au supermarché. Les restaurants et autres barbecues familiaux deviennent des sacerdoces. Elle cesse d'y aller. Tout ce qu'elle ne peut pas manger, elle le touche, le hume, l'écoute. Mathilde a faim, Mathilde a froid, mais Mathilde n'a qu'une peur: reprendre du poids. Elle fait 37 kilos pour 1,70 mètre.
Après huit mois de famine, elle entre à l'hôpital et se retrouve seule face à ses obsessions.
Un jour, elle réalise qu'elle n'a plus ses règles. C'est son endocrinologue qui prononce le mot en premier: «anorexie mentale». La soignante lui dit qu'elle est en danger de mort, qu'il faut l'hospitaliser. Sans trop comprendre, Mathilde accepte. Après huit mois de famine, elle entre à l'hôpital et se retrouve seule face à ses obsessions. Commence alors un long chemin vers la guérison, ponctué de périodes de rechute.
Mis en perspective par les commentaires de Claire Scodellaro, sociologue et démographe, et d'Alain Perroud, psychiatre et psychothérapeute, le témoignage de Mathilde éclaire de l'intérieur les mécanismes de l'anorexie mentale et questionne notre vision collective de cette maladie.
Malgré un réalisation un peu scolaire, Lola Bertet parvient à explorer l'intimité de son amie sans jamais tomber dans le voyeurisme. Sûrement est-ce la fraîcheur de Mathilde, revenue parmi les vivants après quatre années d'enfer, qui fait d'Anorexie, mon amie un récit positif et lumineux. Un récit qui pourrait aider les 230.000 personnes qui souffriraient d'anorexie en France. En majorité des jeunes femmes.