La commémoration russe de la victoire de 1945 le 9 mai prochain marque pour le Spiegel «Le retour de l'oncle Joe». Le quotidien allemand consacre un reportage aux nostalgiques du dictateur stalinien, qui sont souvent les plus touchés par la crise. Le «Jour de la victoire» symbolise le 65e anniversaire de la victoire de l'armée rouge sur les nazis et son organisation ravive des polémiques historiques que beaucoup croyaient enterrées en Russie.
A l'origine, la volonté du maire de Moscou, Iouri Loujkov de placarder pour l'occasion des portraits géants de Joseph Staline dans toute la ville. Cette annonce faite en février dernier avait scandalisé les associations de défense des droits de l'homme qui, à l'instar de l'ONG russe Memorial, avaient menacé d'effectuer une contre-campagne d'affichage. Barack Obama avait quant à lui annulé sa participation à la cérémonie, soit-disant en raison des portraits de Staline.
Mais si, face aux pressions du Kremlin, Iouri Loujkov a du renoncer à son projet, un article paru sur Liberation.fr rappelle que celui-ci n'est que le prolongement d'une série de tentatives de réhabilitations du régime stalinien. Il y a un an, toujours à Moscou, la station de métro Kourskaïa retrouvait ses couleurs de l'époque soviétique et arborait le message «Staline nous a éduqués à la fidélité du peuple, il nous a inspiré le travail et les exploits».
Idem dans certains manuels d'histoire où, comme en témoigne l'historien Alain Blum dans les colonnes du quotidien, «les purges y sont fortement relativisées et la responsabilité de Staline atténuée». Le dirigeant soviétique y est décrit comme un grand chef de guerre, «idée qui reste assez présente dans l'esprit de la population mais qui est très contestable».
Staline ferait-il son retour 57 ans après sa mort? Il semblerait en tous cas que la nostalgie qui transparait dans les sondages concernant le chef tyrannique et le souvenir de la période victorieuse de 1945 soit un appui, pour ses gouvernants, afin d'affirmer la Russie comme puissance mondiale.
C'est l'idée défendue par le directeur du centre Russie à l'IFRI Thomas Gomart, cité dans Libération:
Un toast porté à la santé de Staline lors d'une cérémonie officielle, la reprise de la musique de l'hymne soviétique comme hymne national dès son arrivée au pouvoir, autant de symboles révélateurs de la volonté du chef de gouvernement et du Président Medvedev, d'«affirmer la Russie en tant que puissance victorieuse» au sortir de la guerre pour pouvoir revendiquer le statut de puissance tout court.
Moscou prévoit d'ores et déjà une cérémonie en grande pompe pour le dimanche 9 mai. Selon le Moscow Times, plus d'un million d'euros ont été déboursés pour disperser tout nuage récalcitrant, éviter la pluie et effectuer un défilé dans les meilleures conditions: les 25 degrés sont assurés.
[Lire l'article de Libération ici, celui de Spiegel là, celui Moscow Times ici]
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Photo:Staline/x-ray delta one, via Flickr CC License by
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