Économie

Tragédie grecque à Wall Street

Temps de lecture : 3 min

Ce sont les émeutes en Grèce face à un plan censé rassurer les marchés qui les fait paniquer.

Mince alors! Au milieu de la journée jeudi 6 mai, les marchés financiers américains se sont lancés dans un incroyable rodéo. Il s'agissait d'ailleurs plutôt d'une course désespérée. Après s'être effondré de plus de 900 points, l'indice Dow Jones de la Bourse de New York a finalement perdu en fin de séance 348 points, soit 3%. Pourquoi? Ce n'est pas vraiment clair. Selon la chaine CNBC, les traders évoquent un «effet trou noir». Il y a aussi l'hypothèse d'une erreur humaine. Mais le principal coupable semble être, comme Reuters le souligne, la peur de la contagion de la crise financière grecque, dont les citoyens ont retrouvé les joies d'un ancien passe-temps, l'émeute.

Je ne suis pas sûr que la notion d'ironie vienne de la civilisation grecque (que les lecteurs lettrés viennent à mon secours). Mais si la grande peur d'un défaut de paiement de la Grèce a bien lancé la vague de vente en catastrophe, il y a quelque chose d'ironique sur le moment et la cause de cette panique

Jusqu'à très récemment, les marchés américains de taux et d'actions étaient à l'abri de la volatilité européenne issue de la situation fiscale désespérée de la Grèce (qui a affecté l'Espagne, le Portugal et toute la zone euro). Le rétablissement des marchés financiers américains au cours des derniers mois a été largement alimenté par des masses d'argent bon marché, le renflouement monétaire des actifs risqués, un retour convaincant de la croissance mondiale et une économique domestique (américaine) qui s'est redressée bien plus vite et bien plus vigoureusement que beaucoup de gens le prévoyaient. Les malheurs européens étaient plutôt une préoccupation annexe. Au début de la semaine, il semblait que l'Europe avec l'aide du FMI (Fonds monétaire international) allait d'ailleurs régler ses propres problèmes.

Lundi 3 mai, les ministres européens des finances et le FMI sont tombés d'accord pour apporter à la Grèce un soutien massif de 146 milliards de dollars dont la vocation est de permettre à Athènes de faire face à ses problèmes de financement. L'Europe a été poussée à agir à la fois parce que les marché exprimaient la crainte de voir la Grèce faire faillite, mais aussi et surtout de voir le Portugal et l'Espagne, dont les économies sont nettement plus importantes, connaître le même sort. En d'autres termes, le plan de sauvetage était destiné avant tout à stopper toute contagion des marchés de la dette grecque vers les autres marchés européens de capitaux.

Afin de recevoir cette aide (et empêcher la contamination), la Grèce a accepté une nouvelle vague de mesures d'austérité qui doivent permettre réduire fortement son déficit public. Jeudi 6 mai, le Parlement grec a adopté les mesures qui comprennent des baisses drastiques de dépenses budgétaires, des diminutions de salaires dans la fonction publique et une augmentation des impôts. Toutes ces mesures sont jugées indispensables à la fois par les prêteurs et le gouvernement grec pour mettre fin à la contagion.

Les citoyens grecs, qui n'apprécient pas vraiment les mesures d'austérité, sont descendus violemment dans la rue mercredi 5 mai. Trois personnes sont mortes. Les manifestations ont continué avec moins de virulence jeudi. Les marchés ont répondu à ces émeutes avec la leur. Si la Grèce dont l'économie ne représente que 3% de la zone euro ne peut pas faire passer auprès de sa population les mesures destinées à éviter la contagion sans provoquer des émeutes violentes, comment des pays européens bien plus importants et plus grands (c'est vous l'Espagne et l'Italie) vont faire pour régler eux aussi leurs problèmes fiscaux grandissants.

En fait, il est fort possible que les conséquences sociales des efforts grecs pour stopper la contagion rendent plus difficiles dans d'autres pays la décision de diminuer les déficits et couper brutalement dans les dépenses. Cela renforce le risque de contagion. C'est comme si les produits chimiques répandus dans le Golfe du Mexique pour empêcher le pétrole de se répandre, contribuaient en fait à augmenter la fuite.

Daniel Gross

Traduit par Eric Leser

LIRE EGALEMENT SUR LA CRISE: La crise après la crise (3/5): la déconstruction européenne, Adieu Europe et Attali-Minc: la facture de la crise n'est pas payée.

Image de Une: L'immeuble de la Bourse de New York Lucas Jackson / Reuters

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