Cette semaine, le golf est en ébullition et en apesanteur à l'occasion de l'un des tournois les plus attendus de l'année: le Players Championship. Il s'agit du cinquième tournoi le plus important de la saison après les quatre sommets du Grand Chelem, mais le rendez-vous le plus doté de l'année avec une bourse de 9,5 millions de dollars et un chèque de 1,71 million de dollars promis au vainqueur.
Disputée jusqu'à dimanche à Ponte Vedra Beach, en Floride, l'épreuve est le cadre, cette année, d'un enjeu capital: Tiger Woods pourrait y perdre sa place de n°1 mondial après 258 semaines de règne sans partage. Dans le sillage de sa contre-performance, il y a quelques jours, à Charlotte, en Caroline du Nord, où il n'a pas franchi le cut (une première pour lui depuis 2005), Tiger Woods se retrouve sous la menace directe de Phil Mickelson, le récent vainqueur du Masters, 2e à Charlotte, qui le talonne désormais pour une poignée de points. Les calculs sont faits: si Mickelson gagne le Players Championship et si Woods ne finit pas parmi les cinq premiers, la passation de pouvoir aura lieu.
Un «malheur» ne venant jamais seul, Woods s'est désormais trouvé un nouveau rival avec l'avènement, dimanche, du Nord-Irlandais Rory McIlroy, vainqueur à Charlotte et qui en a profité pour pratiquement égaler l'une des marques historiques de l'Américain. Sur le PGA Tour, McIlroy y a gagné le premier titre américain de sa carrière à 20 ans et 11 mois alors que Woods avait ouvert son palmarès à 20 ans et 10 mois en 1996. Voilà de quoi lui flanquer, à 34 ans, un sacré coup de vieux; d'autant qu'à des milliers de kilomètres de là, à Nagoya, au Japon, un autre bambin de 18 ans, Ryo Ishikawa, effaçait, le même jour, un record du monde professionnel en rendant une carte historique de 58 sur un tour...
Le cauchemar du 17
Depuis son retour au Masters, le 8 avril, après quatre mois d'abstinence golfique dus à son éloignement du circuit pour les raisons que l'on connaît, Tiger Woods intrigue et inquiète. Il a notamment égaré son drive qu'il ne semble plus pouvoir maîtriser et tous les observateurs guettent sa performance au Players Championship, sur ce parcours très sélectif de Ponte Vedra Beach nommé TPC Sawgrass et rendu mondialement célèbre par un seul trou: le n°17.
Ce par 3 de 125m est devenu, en effet, le trou signature de l'endroit et l'un des plus (le plus?) identifiés sur la planète. Chaque année, il suscite la gourmandise des amateurs de golf en raison de sa particularité puisque le green est une île complètement encerclée par les eaux non loin de vastes tribunes qui forment un véritable stade de golf de plusieurs milliers de spectateurs. C'est un trou très court, mais son environnement aquatique le rend particulièrement oppressant et hostile.
Pour se faire une idée sur le défi proposé par ce n°17, il faut regarder cette vidéo:
Comme vous l'avez vu, ce petit film montre, par exemple, le trou en un de Fred Couples qui rentre directement la balle comme un ballon de basket alors qu'il a fini dans l'eau quelques secondes plus tôt. Elle revient aussi sur les déboires, en 2007, du pauvre Sean O'Hair qui s'y noya deux fois et signa un quadruple bogey (pour rentrer la balle, il eut besoin de sept coups au lieu des trois requis). Ce naufrage, O'Hair le vécut le dernier jour de la compétition qu'il avait entamé en tête. A l'attaque de ce fameux 17, l'avant-dernier du week-end, il était encore 2e, à deux coups seulement de Phil Mickelson, le nouveau leader. En le quittant, O'Hair était... 11e. Dans l'hypothèse où il serait resté 2e, O'Hair aurait touché 972.000 dollars. A la 11e place, il se contenta de 225.000 billets verts. Ce trou n°17 lui avait donc coûté la bagatelle de 748.000 dollars et une belle humiliation devant les caméras de la NBC.
Un trou pas si difficile
En 2005, Bob Tway, un ancien vainqueur d'un titre du Grand Chelem - le PGA Championship en 1986 — avait eu, lui, besoin de... 12 coups pour en venir à bout après avoir échoué quatre fois de suite dans l'eau. C'est le record du genre, si l'on peut dire. Il était 10e au début du 17, 72e à la fin!
Construit par l'architecte Pete Dye et inauguré en 1979, ce parcours du TPC Sawgrass est aussi connu pour la très grande dureté de son n°18, mais le n°17 continue d'alimenter les fantasmes et d'attirer les golfeurs du monde entier tout disposés à aller égarer quelques balles dans les eaux de Floride. Chaque année, où environ 50.000 départs sont donnés au TPC, quelque... 150.000 balles finissent ainsi dans les profondeurs qui entourent le n°17, rendant le travail des plongeurs très absorbant. L'un d'entre eux, Norm Spahm, avait ainsi indiqué en ramasser à chaque fois entre 5.000 et 15.000 lors de ses différents passages. Autour du n°17, il reconnaissait même y avoir carrément retrouvé quelques sacs de golf, preuve que ce trou diabolique peut vous faire perdre tout contrôle et accessoirement la tête.
Pour les professionnels les plus aguerris, ce n'est pas un trou si difficile, en principe. Ils tapent la balle avec un fer 8 ou 9 ou un wedge, mais il arrive que le vent joue les trouble-fête. Plus sûrement, c'est l'anxiété qui les fait déjouer au moment d'aborder ce juge de paix. «Le green est très large et ça ne devrait pas être un problème pour nous, a avoué le Britannique Ian Poulter. Mais quand le tournoi commence le jeudi, la nervosité apparaît et là tout devient plus compliqué.» Phil Mickelson a comparé la difficulté de ce trou au péril que l'on ressent «à marcher sur une poutre à bonne hauteur». Chad Campbell, un autre professionnel américain, a admis qu'il pensait à ce n°17 «bien des trous en amont». «Je peux y songer même un mois à l'avance», a confié de son côté le Sud-Africain Ernie Els. «En fait, on sait que tous les gens veulent nous voir finir dans l'eau», a souri l'Australien Adam Scott, vainqueur en 2004. Faut-il préciser que le quart des caméras de la NBC sont regroupées chaque année autour de ce n°17?
Le commun des mortels se contentera, lui, d'apprécier la vidéo suivante et de constater que ce trou n°17 n'est pas tout à fait, comme on dit là-bas, «a piece of cake» vu ainsi du départ.
Quant à Tiger Woods, ne lui parlez pas trop de ce 17 qu'il a qualifié de «trou gag», ce qui n'était pas franchement un compliment dans sa bouche. Il a même précisé que ce trou n°17 devrait être un trou n°8, manière de souligner qu'il est indigne de presque conclure un championnat de cette importance. Vu ses grosses bêtises des dernières semaines, il sera intéressant de voir comment il passera ce test du n°17. En espérant, que contrairement à Charlotte la semaine dernière où il fut éjecté du tournoi dès le vendredi, il sera encore là les samedi et dimanche. Pour ne pas voir tomber à l'eau ses espoirs de rester n°1 mondial une semaine de plus...
Yannick Cochennec
Photo: Tiger Woods à l'entraînement du Players Championship, le 5 mai. Hans Deryk / Reuters