Battu par plus de 7 millions de voix en novembre 2020, Donald Trump n'a toujours pas digéré son départ de la Maison-Blanche. Plusieurs mois après la passation de pouvoir, l'ancien président continue d'accuser, sans preuve, les Démocrates d'avoir fraudé lors de la dernière élection présidentielle. Banni des principaux réseaux sociaux à la suite de ses propos lors de l'envahissement du Capitole, il s'exprime désormais par le biais de communiqués envoyés par mail à ses supporters et d'interviews sur les chaînes conservatrices Fox News et Newsmax.
En coulisse, Donald Trump s'active pour venir à bout des dernières poches de résistance au sein du Parti républicain afin de paver la voie à sa candidature pour l'élection présidentielle de 2024.
Liquider les opposants
Dès 2015 et sa participation à la primaire républicaine, Donald Trump se démarque des élites du Parti républicain. L'homme d'affaires moque, dénonce et conspue ses adversaires au cours des différents débats télévisés et des meetings. Profitant de sa popularité au sein de l'électorat conservateur et de sa victoire face à Hillary Clinton, il instaure un climat de terreur au sein de son parti durant son mandat, empêchant toute critique de son action politique. Seuls John McCain, décédé en 2018, et Mitt Romney s'y risquent au prix d'insultes et de harcèlement sur les réseaux sociaux.
La fin de mandat chaotique après sa défaite face à Joe Biden et les incidents du Capitole laissent pourtant entrevoir une ouverture aux cadres du Parti républicain pour se débarrasser d'un homme devenu trop encombrant.
Mi-janvier, Mitch McConnell, chef de file des Républicains au Sénat, sort de son silence et accuse directement Donald Trump d'avoir incité ses supporters à se rebeller le 6 janvier: «La foule a été abreuvée de mensonges et poussée à agir par le président et d'autres personnes puissantes.» Kevin McCarty, chef de file des républicains à la Chambre des représentants, tient des propos similaires. Liz Cheney, numéro 3 du parti à cette même chambre, s'offusque de son comportement antidémocratique et fait part de son intention de voter pour l'impeachment. Lindsey Graham, sénateur influent de Caroline du Sud, déclare ne plus pouvoir prendre sa défense.
Mais l'opportunité de laisser Donald Trump à quai s'envole quelques semaines plus tard, quand il est acquitté lors de son second procès en destitution.
Renforcé par cette décision, l'homme d'affaires et désormais ex-président contre-attaque et vilipende tous celles et ceux qui, dans son camp, ont osé se dresser contre lui. Il accuse son vice-président Mike Pence d'avoir manqué de courage en n'ayant pas contesté les résultats de l'élection et insulte McConnell de «stupide fils de p...» lors d'un discours en Floride. Cheney est évincée de son rang à la Chambre des représentants par sa propre famille politique et Romney est hué une nouvelle fois lors d'un discours devant des partisans républicains en Utah.
McCarthy et Graham réussissent l'exploit d'être épargnés au prix d'un reniement de leurs propos et d'une totale soumission au leader. La mutation du Parti républicain en parti Trump, entamée en 2016, est désormais bel et bien achevée.
La nouvelle génération prépare le terrain
La purge orchestrée par Donald Trump au sein du Parti républicain s'accompagne d'une recomposition de celui-ci avec des éléments plus en phase avec la nouvelle ligne politique autoritaire, conspirationniste et ultraconservatrice.
Marjorie Taylor Greene, nouvelle coqueluche des trumpistes, en est la tête d'affiche. Représentante au Congrès depuis sa victoire en novembre 2020 dans le 14e district de Géorgie, elle est une fervente admiratrice de l'ancien président américain et une adepte des théories du complot. En 2017, elle déclare dans une vidéo: «Il y a une occasion unique de sortir de cette cabale mondiale de pédophiles adorateurs de Satan et nous avons le président pour le faire.»
À la même période, Taylor Greene s'illustre pour des propos islamophobes et antisémites, ainsi que pour sa négation des attentats du 11 septembre 2001. Elle va même jusqu'à souhaiter l'exécution de certains élus démocrates en 2019. Lors de sa campagne électorale, Taylor Greene s'affiche avec un fusil semi-automatique AR-15 et un slogan percutant: «Save America, Stop Socialism».
«C'est le parti de Donald Trump et je suis un républicain Trump.»
Son pendant masculin, Matt Gaetz, siège lui aussi à la Chambre des représentants. Soutien de la première heure de Donald Trump et partisan d'un conservatisme radical, il occupe une place de plus en plus importante dans la famille républicaine. Récemment accusé d'avoir eu des relations sexuelles tarifées avec une mineure de 17 ans, il n'a pour autant pas perdu le soutien de son mentor.
Preuve en est sa participation à un meeting «America First» dans la communauté de retraités de The Villages en Floride, en compagnie de Marjorie Taylor Greene, où il a renouvelé son serment d'allégeance au «leader incontestable du Parti républicain», ajoutant: «C'est le parti de Donald Trump et je suis un républicain Trump.»
Josh Hawley, sénateur du Missouri, et Lauren Boebert, représentante du Colorado, appartiennent également à cette nouvelle génération d'élu·es républicain·es radicalisé·es.
En attendant le retour sur scène du boss, ses fidèles se chargent d'entretenir la flamme auprès de la base électorale et continuent de diffuser le récit d'une élection volée par les Démocrates.
De «Make America Great Again» à «Save America»
«Nous serons de retour sous une forme ou sous une autre», déclarait Donald Trump le 20 janvier 2021 sur la base militaire Andrews quelques minutes avant son départ pour la Floride. Depuis, l'ancien président a précisé ses intentions à plusieurs reprises.
Lors de la réunion annuelle des conservateurs –Conservative Political Action Conference– qui s'est déroulée en mars, il utilise l'humour pour faire passer son message: «Nous reprendrons la Chambre des représentants, le Sénat et ensuite un président républicain fera un retour triomphant à la Maison-Blanche. Je me demande bien qui ce sera.» Sans surprise, la foule l'acclame. Plusieurs sondages illustrent l'engouement de l'électorat républicain pour un retour de leur poulain dans l'arène politique. «J'y pense très sérieusement», confie Trump en avril au présentateur de Fox News, Sean Hannity.
Enfin, il ne laisse plus de place au doute en déclarant début mai que sa décision «fera plaisir à ses supporters». La presse croit même connaître le nom de son futur colistier. Il s'agirait du gouverneur de Floride, Ron DeSantis. Un choix judicieux tant la popularité de ce dernier monte auprès des électeurs républicains. Quant au slogan, il est affiché depuis plusieurs semaines sur le site internet et les communiqués de Donald Trump: «Save America».
D'après certains proches de l'ancien président, l'annonce officielle de sa candidature interviendra après les élections de mi-mandat de novembre 2022. Avec un parti acquis à sa cause, une nouvelle génération d'élu·es qui lui vouent un culte et une base électorale solide, Donald Trump semble avoir le champ libre pour livrer un troisième combat contre les Démocrates à l'occasion de l'élection présidentielle de 2024. Les incidents du 6 janvier 2021, qui devaient sonner le glas de sa carrière politique, paraissent désormais bien loin. Seul nuage à l'horizon: les multiples enquêtes et procès qui le visent pourraient compromettre ses ambitions.
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