Sciences / Société

Thomas Pesquet, Napoléon de l'espace et héros de l'inutile

Temps de lecture : 2 min

[BLOG You Will Never Hate Alone] À force d'envoyer toutes les deux semaines une bande de gais lurons visiter l'espace, l'univers est devenu un objet de consommation courante qui a perdu de sa magie et de sa poésie.

Notre nouveau Napoléon de l'espace | ESA-events via Flickr
Notre nouveau Napoléon de l'espace | ESA-events via Flickr

L'espace ne me fait pas rêver. D'ailleurs à chaque fois que je tombe sur un article vantant les exploits de Thomas Pesquet, notre nouveau Napoléon, je passe à autre chose. Je ne vois rien de remarquable à tournoyer au-dessus de la Terre comme un hamster dans sa cage, le tout à bord d'une station spatiale qui ressemble à ma chambre d'ado quand mes parents me laissaient seul pour le weekend. Ils ne connaissent pas le ménage nos amis astronautes ou quoi?

Rarement vu un bordel pareil avec les ordinateurs qui flottent un peu partout tels des canards éparpillés sur une mare d'eau, les fils qui pendouillent du plafond comme des spermatozoïdes en pleine débâcle, les branchements par milliers dont on se demande s'ils ne sont pas là juste pour l'épate, et au beau milieu de ce foutoir pas possible, les habitants du lieu, d'étranges bonhommes qu'on nous présente comme les héros des temps modernes.

De temps en temps, les journaux publient une photo prise par l'un d'eux –généralement une ville ou une région de notre Terre nourricière– suivie d'une ribambelle d'adjectifs laudateurs: sublime, extraordinaire, incroyable, exceptionnelle... J'ai longuement contemplé celle de Paris envoyée par Thomas Pesquet et je cherche encore à comprendre son intérêt ou sa beauté. En son milieu coule la Seine dont on reconnait fort bien le tracé –le contraire eut été étonnant– et alentour, une myriade de petits points qui forment la géographie de la ville Lumière. Et c'est à peu près tout. Ce pourrait être le cliché d'un jardin public vu du haut de mon immeuble, un jour de pleine lune, quand des escargots et autres pigeons s'y promènent, qu'on ne verrait pas la différence.

À force d'envoyer toutes les deux semaines une bande de gais lurons le visiter, l'univers est devenu un objet de consommation courante qui a perdu de sa magie et de sa poésie. On s'y rend désormais comme on va chez son boucher. Sans états d'âme et sans la moindre sensibilité ou début de réflexion. Comme un fait acquis qui ne suscite plus que des commérages, des avalanches d'anecdotes sur la bouffe embarquée, la fréquence des douches, la taille des chiottes, la qualité du sommeil, l'originalité de la décoration intérieure, la vue qu'on a du balcon, la superficie du coin cuisine, toute cette banalisation de la conquête spatiale qu'on dégueule sur les réseaux sociaux afin de remporter de nouvelles parts de marché.

De métaphysique, de relation entre Dieu et l'infini, de toutes ces questions qui confèrent à l'espace son caractère à la fois effrayant et hautement philosophique, il n'est plus question. On vient faire le pitre comme dans une comédie des apparences où l'on tâche d'apparaître comme le plus souriant possible, le plus sympa, le plus avenant, soucieux avant tout d'assurer à son public resté à terre que la vie en ces altitudes ressemble à une fête foraine, à un parc d'attraction en apesanteur.

Bientôt, à coups de millions dépensés, des couillons de touristes grimperont à bord de ces machines volantes et aussi ahuris que ces visiteurs de musée qui se prennent en selfie le dos à un Van Gogh, sans prendre le temps de s'intéresser aux détails du tableau, paraderont le nez au hublot, ravis d'être là où ils sont, aussi hilares qu'une bande de pingouins quand ils se mettent à dévaler une pente enneigée.

Ce sera la conquête de l'espace dans sa version Disneyland. De l'homme et de ses mystères, des origines des origines, de l'infini des mondes, de Dieu et de son silence, du néant et de ses vertiges, on ne parlera plus, rendus dans un monde qui, à grands coups de rentre-dedans publicitaires, aura tué la dernière étincelle de poésie.

«La Terre est bleue comme une orange» écrivait Paul Eluard à une époque où l'espace était encore un rêve d'éternité.

C'était il y a longtemps.

Très longtemps.

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