«24h dans la peau d'un sans-abri». La dernière campagne du Samu social veut marquer les esprits et vise un public qui sera plus enclin à un support vidéo et novateur, loin du «aidez! donnez!» auxquels les spots TV et les affiches du métro nous ont habitués.
Le concept du «dans la peau de» vise évidemment à impliquer d'avantage le spectateur-lecteur par un principe d'identification. Avec cette campagne de sensibilisation (et d'appel aux dons), c'est le milieu caritatif qui marque un pas. Mais des journalistes en ont déjà usé auparavant comme méthode d'enquête. S'introduisant dans la peau d'un noir, d'un SDF ou d'un employé d'un centre d'appel, l'Allemand Günter Wallraff en a été l'un des précurseurs. Comme le rapporte Telerama, son livre Parmi les perdants du meilleur des mondes repose sur l'investigation sociale parfois qualifiée de «wallraffienne».
Dans la même lignée de ces journalistes en immersion sociale, Florence Aubenas publiait en 2008 Le Quai de Ouistreham, s'introduisant dans la peau d'une femme précaire enchaînant des boulots de femme de ménage et d'employée intérimaire. Que trouve-t-on comme travail quand on est une quadragénaire sans qualification? Des horaires infernaux, tôt le matin, tard le soir, souvent le week-end et les jours fériés. Avec plus de 50.000 exemplaires vendus, l'enquête de Florence Aubenas atteste d'une réelle attente pour ce type d'observation participante.
On pourrait penser que les jobs précaires ou difficiles concernent une plus large frange de la population. C'est omettre que, selon un sondage CSA pour Emmaüs, plus d'un Français sur deux estiment qu'il pourrait devenir SDF au vu de leur situation actuelle. Sur son site danslapeaudunsansabris.com, aucun appel au don, aucune info sur l'association. Comme le rapportent Les Echos, ce site un peu ovni dans l'univers caritatif résulte d'une démarche atypique: équiper plusieurs sans-abris de mini-caméras implantées dans des lunettes.
Le résultat est un film de vingt-quatre heures diffusé en boucle, dans lequel on voit ce qu'ils voient, on a l'impression de vivre (presque) en temps réel ce qu'ils vivent. Et lorsqu'on veut quitter le site, un message d'erreur apparaît: « Désolé, sortir de la rue est beaucoup plus difficile.»
L'heure de connexion au site correspond au même moment de la journée du SDF. On a donc l'impression de (presque) suivre son quotidien en direct: «Parler des bagarres de leurs chiens, taxer des cigarettes aux passants, aller à l'épicerie du coin...». Le tout dans l'indifférence générale.
Un film de 24h de mauvaise qualité son et vidéo mais devant lequel on reste un moment, puis sur lequel on revient au cours de la journée. Un moyen, selon le quotidien économique de «rajeunir la moyenne des donateurs et des bénévoles». Plus que l'intérêt d'un public peu habitué aux dons, Internet permet ainsi aux publicitaires (le film a été réalisé par une agence de publicité) de susciter un dialogue sur la campagne elle-même et sur le fond du problème.
[Accéder au site Dans la peau d'un sans abri]
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Photo: capture écran de l'entrée sur le site créé par le Samu social