Beaucoup d'animaux bâillent. Que cela se passe ou non chez un humain, le bâillement entraîne une augmentation du flux sanguin vers le crâne, ce qui oxygène et refroidit le cerveau pour rendre plus alerte. Ce qui est également courant dans le règne animal –mais controversé–, c'est la contagion du bâillement: en voyant un congénère bâiller, l'animal ressent lui aussi l'envie de bâiller et bâille à son tour. Le phénomène pourrait même franchir la barrière des espèces, vu qu'il semble bien que les chiens soient eux aussi susceptibles d'être contaminés par le bâillement de leurs maîtres.
Un peu par hasard, une équipe de recherche italienne vient de se pencher sur le bâillement du lion et de faire une stupéfiante découverte: chez le roi de la savane, le bâillement est non seulement contagieux, mais il indique que la troupe va bientôt se mettre en mouvement de manière synchronisée.
Au départ, Elisabetta Palagi et ses collègues de l'université de Pise, en Italie, n'avaient pas prévu d'étudier le bâillement des lions. L'éthologue avait effectivement dépêché ses étudiants de master en Afrique du Sud pour travailler sur le jeu chez les hyènes tachetées. Sauf que sur les vidéos envoyées du terrain, on y voyait des lions qui bâillaient l'un après l'autre, avant de se lever et de se déplacer d'une manière apparemment très synchronisée. Ni une ni deux, Palagi a donc demandé à ses étudiants, Grazia Casetta et Andrea Paolo Nolfo, de mettre en pause leurs observations sur les hyènes pour passer aux lions. Pendant quatre mois, ils se sont ainsi attelés à filmer deux troupes de lions –dix-neuf individus au total– jour et nuit, pour en tirer une centaine d'heures de vidéo.
Des bâillements contagieux
Une fois les films analysés, les chercheurs ont pu constater que lorsqu'un lion bâillait et qu'un autre pouvait le voir faire, les bâillements devenaient fréquemment contagieux –le deuxième lion se mettait à bâiller dans les trois minutes après le premier. Des bâillements si contagieux que, lorsqu'un premier lion bâillait, la probabilité qu'un deuxième l'imite était 139 fois plus élevée que si le premier félin n'avait pas bâillé. En réalité, dans 75% des cas, le deuxième lion bâillait même dans la minute.
Et ensuite? Les scientifiques ont observé que cette contagion de bâillements était le prélude à une action coordonnée de la troupe –se lever et aller se faire voir ailleurs. De fait, les animaux avaient onze fois plus de chances de synchroniser leurs mouvements avec le premier lion «déclencheur».
Si les chercheurs se refusent à toute interprétation définitive de leurs observations, ils estiment que l'imitation du comportement après un bâillement pourrait être un moyen de renforcer la vigilance du groupe et les aider à repérer menaces et opportunités alimentaires.