Comment concevoir les meilleures conditions pour créer? Un silence profond? Un état presque méditatif? Une parfaite concentration? D’après deux chercheuses américaines, la réalité serait un peu plus complexe que cela.
La norme en neuropsychologie est plutôt de prouver que réaliser plusieurs tâches à la fois est difficile pour le cerveau, explique David Robson pour la BBC. En écrivant un e-mail tout en répondant au téléphone, on a tendance à entendre moins bien ou à faire plus de fautes d'inattention. Ce sont les conséquences immédiates des activités «multitâches».
Ce qu'ont voulu étudier Shimul Melwani et Chaitali Kapadia, ce sont les conséquences indirectes, «l'effet d'entraînement» créé par la multiplication de tâches simultanées. L’énergie et l’excitation provoquées par cette multiplication peut entraîner une plus forte créativité. Pour cela, les scientifiques ont imaginé trois expériences différentes avec un public spécifique pour chacune.
Pour la première, deux tâches furent confiées à un groupe d'étudiants: assister à une conférence téléphonique et répondre à un e-mail. Certains avec la consigne de faire les deux en même temps, d’autres l’une après l’autre. Ensuite, ils répondirent à un test de créativité standard –trouver une nouvelle fonction à un objet du quotidien–, les plus originaux se révélèrent être les étudiants qui venaient de faire deux choses en même temps. Ils durent également répondre à un autre test, cette fois d’analyse et non de créativité; pour celui-ci, les scientifiques ne notèrent aucune différence entre les participants.
Lors de la deuxième expérience, elles s'intéressèrent à des cuisiniers qui participaient à un concours télévisé. Pour cela, elles firent évaluer par un jury indépendant le niveau d’activité multitâches ainsi que la créativité des candidats. Elles conclurent que l’originalité d’un candidat était boostée à l’issue d’une épreuve demandant de faire beaucoup de choses à la fois. Les candidats confirmèrent ce sentiment auprès des scientifiques affirmant que ces périodes d'épreuves intenses leur permettaient d’être plus énergiques.
Pour la troisième expérience, Melwani et Kapadia interrogèrent une centaines de serveurs et serveuses pendant le coup de feu et lors de soirées plus tranquilles. Elles leur demandèrent de répondre à plusieurs tests de créativité dont un impliquant de dessiner un extraterrestre. Plus celui-ci s’éloignait de l’humain, plus il était jugé original. L’«effet d’entrainement» put à nouveau être confirmé puisque les serveurs et serveuses se montraient bien plus créatifs après une période de rush.
Selon les chercheuses, ce n’est pas pour cela qu’il faut se forcer à faire trop de choses en même temps. Il s'agirait plutôt d'essayer d'organiser ses journées en fonction des moments où l’on se sait obligé de réaliser plusieurs tâches à la fois pour en tirer profit. Il faudrait alors essayer de planifier ses activités les plus créatives à l’issue de moments d’activité multitâches.