Depuis l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon le 20 avril 2010, tous les yeux sont rivés sur l'immense tache noire qui s'agrandit au fur et à mesure qu'elle s'approche des côtes américaines. Si les prévisions sont correctes, les ravages pourraient être trois fois supérieurs à ceux du naufrage d'Exxon Valdez, en 1989, la plus grande marée noire de l'histoire des Etats-Unis jusqu'à présent. Pourtant cela n'amènerait cette marée noire qu'à la position n°15 des plus désastreuses de l'histoire. Deepwater Horizon répand certes 688 tonnes de pétrole par jour, mais l’Amoco Cadiz en avait déversé 227 000 tonnes, l'Ixtoc One, un million, rappelle Culturevisuelle.
Depuis 1967, on compte huit principales marées noires. Retour aux JT de l'époque face à trois marées noires «clés»: la première, la plus large et la plus chère.
La première : Torrey-Canyon
Le 18 mars 1967, le pétrolier libérien Torrey-Canyon s'échoue au large de la Grande-Bretagne. 120.000 tonnes de brut s'écoulent en mer, plusieurs nappes de pétrole dérivent jusqu'à toucher les côtes britanniques puis, plus de 20 jours après le naufrage, les côtes françaises. L'Europe n'est pas encore armée pour réagir à une telle catastrophe. Plutôt que de limiter les dégâts, elle les aggrave: en mer, les dispersants utilisés se révèlent rapidement plus toxiques que le pétrole déversé... La nouveauté de la catastrophe est bien palpable dans ce reportage réalisé à l'arrivée des nappes sur les plages bretonnes. Les moyens de lutte semblent dérisoires quand Christian Fouchet, le ministre de l'Intérieur de l'époque se rend à Port-Blanc -ironie du sort!- l'un des trois endroits très touchés par la marée noire.
Alors que la demande énergétique et la consommation de pétrole explosent depuis 1950, Torrey Canyon est la première grande marée noire de l'histoire: preuve en est, tout simplement, que l'expression «marée noire» a été inventée pour la décrire.
L'accident du Torrey Canyon n'inspire pas seulement les futurs programmes européens de prévention contre ce type de catastrophe, il inspire aussi Serge Gainsbourg... qui, à une époque où on ne parlait pas de mondialisation, s'étonne que le pétrolier soit sous pavillon libérien, affrété par une société américaine, avec un équipage italien, transportant du pétrole du Koweït, pour la British Petroleum...
Cent ving mille tonnes de pétrole brut
Cent vingt mille tonnes, dans le torrey canyon,
Le torrey canyon.
Si je bats, Pavillon du Libéria,
Le captain et les marins,
Sont tous italiens,
Le mazout dont on m'a rempli les soutes,
C'est celui du consortium
British Petroleum.
Torrey Canyon, Initials B.B, 1968
La plus large: Amoco-Cadiz
Le 16 mars 1978, le pétrolier libérien Amaco-Cadiz s'échoue sur les roches de Portsall, dans le Nord Finistère en France. 230.000 tonnes se répandent dans l'Océan Atlantique, 400km de côtes françaises sont touchées. C'est la plus grande marée noire par échouement de pétrolier jamais enregistrée dans le monde. La Bretagne le ressent comme un acharnement, alors que la catastrophe serait deux fois plus importante que le Torrey Canyon, survenu 11 ans plus tôt. On imagine mal Laurence Ferrari pester ouvertement contre BP, le journaliste Robert Werner lui ne se prive pas de commentaires personnels sur ces toutes premières images du pétrolier brisé en deux: «Ah vraiment nous sommes trop gâtés! Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons des pétroliers au large qui s'échouent sur nos côtes bretonnes pour ruiner ce que nous avons de plus beau», ouvre le journaliste, avant de conclure: «Bref, c'est insupportable, ça dépasse l'entendement», tandis qu'un fond sonore hitchcockien se charge d'accentuer le ton dramatique.
La plus chère: Exxon Valdez
La catastrophe causée par le naufrage de l'Exxon Valdez pourrait bien perdre son titre de «pire marée noire de l'histoire des Etats-Unis». L'explosion de Deepwater Horizon est en voie de la détrôner... Mais elle conservera sans doute celui de la marée noire la plus chère de l'histoire. 3,4 milliards de dollars, voilà ce que l'entreprise américaine a dû débourser pour financer les indemnités, le nettoyage des côtes et les amendes après le naufrage d'un de ses pétroliers dans une zone très poisonneuse d'Alaska le 23 mars 1989.
Les images de la catastrophe font rapidement le tour de la planète. La marée gluante envahit les plages. 42.000 tonnes de pétrole brut se déversent dans l'océan Arctique, plus de 800km de côtes sont pollués par une nappe de 7.000km2.
Une note drôlement salée et d'autant plus difficile à assumer que le capitaine du pétrolier, connu pour ses problèmes d'alcoolisme, s'était offert 5 doubles vodka dans les bars du port, juste avant le départ du navire. Dans les actions judiciaires engagées, de nombreuses accusations seront portées contre lui.
Vous souhaitez proposer un lien complémentaire sur ce sujet ou sur tout autre sujet d'actualité? Envoyez-le à infos @ slate.fr
Photo: S. GARDNER / REUTERS
À LIRE ÉGALEMENT SUR LA MARÉE NOIRE: Peut-on récupérer le pétrole d'une marée noire?
À REGARDER: Notre Grand Format Poison noir