Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Pourrait-on incinérer les déchets dans les volcans?»
La réponse de Vivien Esnault, ingénieur recherche et développement dans les énergies renouvelables:
Un volcan, c'est certes spectaculaire et plutôt chaud, mais pas de quoi faire tomber de sa chaise un ingénieur, parce que l'on dispose de «volcans artificiels» qui font très bien le boulot.
Un incinérateur à ordures ménagères opère à des températures allant de 850°C à 1.000°C, soit des degrés de chaleur qui sont du même ordre de grandeur que ceux d'un volcan.
Le SYSAV, incinérateur de Malmö (Suède). | jorchr via Wikimedia
Ce type d'incinérateur suffit pour faire partir en fumée un grand nombre de matières, mais il n'est pas tout à fait suffisamment efficace pour garantir leur entière destruction. Les fumées restent susceptibles de contenir des restes de ce qui a été brûlé.
L'efficacité du «volcan artificiel»
Un four à ciment s'avère beaucoup plus efficace. Le terme de «volcan artificiel» ne semble pas usurpé pour le qualifier. Outre qu'il chauffe fort (1.450°C au point le plus haut), il est utilisé pour fondre partiellement des matières minérales afin de les transformer en ciment. Ce tube est énorme et permet donc un gros débit de combustible. Les conditions sont contrôlées, ce qui garantit que rien ne sort avant d'avoir été exposé à des températures élevées pendant un bon bout de temps.
Le kiln est un four incliné rotatif utilisé dans la fabrication du ciment. | Christophe Dang Ngoc Chan via Wikimedia
Rien d'organique ne survit à un traitement pareil et cette activité occupe une part non négligeable du plan d'exploitation des cimenteries. Elle permet même à certaines d'entre elles d'opérer avec des coûts combustible négatifs: on les paie plus cher pour brûler des déchets qu'elles ne paient en combustibles classiques (charbon, typiquement). Ce qui amène son lot d'anecdotes cocasses. La cimenterie bretonne que j'ai visitée à la fin des années 2000 sentait encore la croquette pour chien parce qu'elle n'avait pas fini d'écouler les stocks de farines animales issues de la crise de la vache folle. Et je ne vous dirais pas quelle cimenterie française a passé un contrat avec la brigade des stupéfiants.
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Le stockage des déchets à haut risque
Une fois ces options considérées, il ne reste plus que deux types de problèmes:
- Les déchets trop dangereux pour être maniés sans précautions particulières (les cimenteries n'acceptent plus les déchets médicaux depuis que le sida est un problème, par exemple).
- Les polluants «élémentaires»: métaux lourds, déchets nucléaires. Pour les cimentiers se rajoutent encore des éléments qui ne sont pas forcément dangereux à condition d'être traités correctement, mais qui nuiraient aux performances du ciment, comme le chlore.
Acheminer les déchets délicats à manier en haut d'un volcan n'est pas chose aisée. Cela nécessite des installations dédiées prenant des précautions très particulières, qui peuvent s'avérer très pénibles.
Pour les polluants «élémentaires», il ne s'agit plus d'incinérer. On ne peut rien faire thermiquement pour changer leur nature. Pour les modifier, il faudrait une transformation nucléaire. Ils nécessitent une structure de stockage ou un endroit pour les oublier définitivement. Tel que l'a expliqué Sinicha Jeftic, le volcan est le pire endroit pour se débarrasser de ces déchets puisque, par définition, c'est un point de sortie. Il incombe au contraire de s'orienter vers le lieu le plus stable possible géologiquement. À la rigueur, l'idée d'exploiter un volcan pourrait se développer dans le sens où il constitue une zone de subduction qui permettrait de renvoyer tous les déchets dans le manteau de la Terre.