Chaque année, la fièvre noire ou kala-azar fait des milliers de morts dans le monde. Parmi les infections parasitaires, cette maladie nommée également leishmaniose viscérale n'est rien de moins que le deuxième tueur après le paludisme. La maladie est transmise par un insecte, une petite mouche piquante de la famille des phlébotomes, dont les larves migrent ensuite dans les organes et les tissus. Comme pour les moustiques, seules les femelles sont dangereuses et, en l'absence de traitement, la maladie qu'elles véhiculent est mortelle dans quasiment 100% des cas.
Si le parasite est courant en Europe, c'est au Brésil qu'il est le plus féroce –le pays comptabilise près de 95% des infections consignées sur le continent américain. Pourquoi? Parce que l'insecte vecteur arriverait mieux qu'ailleurs à pondre ses œufs sur des hôtes humains via un autre réservoir animal: les chiens. Comment? En modifiant leur odeur pour les rendre particulièrement irrésistibles aux mouches femelles. Telle est la principale conclusion d'une étude menée par Monica E. Staniek et James G. C. Hamilton, de la faculté de médecine de l'université de Lancaster, au Royaume-Uni.
Des réservoirs naturels de la maladie
Jusqu'à présent, les scientifiques savaient que cette manipulation parasitaire pouvait se manifester sur des rongeurs qui, une fois infectés, changeaient d'odeur et devenaient ainsi plus attrayants pour le vecteur. Ce qui entraînait logiquement davantage de piqûres et donc une meilleure transmission de l'agent pathogène. Mais aucune étude n'avait encore évalué l'effet de l'infection à Leishmania infantum sur les chiens, soit les réservoirs naturels de la maladie chez les humains auxquels ils la transmettent par léchage et morsure.
Pour ce faire, Hamilton et Staniek ont recueilli des poils et du sang de chiens à Governador Valadares, au Brésil, où le parasite est endémique. Ensuite, après avoir dépisté la maladie chez les animaux, les scientifiques ont extrait les substances chimiques odorantes des poils de quinze chiens infectés et de quinze chiens sains, avant de les présenter à des phlébotomes mâles et femelles. Résultat, si les mouches des deux sexes ont été attirées par les poils canins, 65,7% des femelles l'ont été par les échantillons infectés, une différence absente chez les insectes mâles.
Reste à savoir le principal: pourquoi l'odeur des chiens infectés est si attirante pour les mouches femelles, quelles sont les substances chimiques les plus irrésistibles et quels récepteurs elles activent chez les phlébotomes. Autant d'informations sur les interactions biologiques en jeu susceptibles d'améliorer la lutte contre la fièvre noire, sans avoir à recourir à des insecticides trop nuisibles pour l'environnement.