Les babouins mâles vivant dans un même groupe se ressemblent vocalement davantage que ceux d'autres groupes. Cette proximité est indépendante des liens génétiques entre individus, ce qui indique que les interactions sociales seraient bien à l'origine de ces similitudes observées –ou, plutôt, entendues– chez ces primates non-humains. Telle est la principale conclusion d'une étude menée par des éthologues spécialistes de la cognition des primates et qui pourrait receler de précieux indices sur l'évolution du langage de notre espèce.
Dirigée par Julia Fischer, du Leibniz ScienceCampus de Göttingen, en Allemagne, l'équipe de recherche a ainsi voulu tester comment les interactions sociales pouvaient entraîner des similitudes vocales chez les babouins de Guinée (Papio papio) vivant dans le parc national du Niokolo-Koba au Sénégal. Pour ce faire, Fischer et ses collègues ont enregistré les cris et grognements de vingt-sept mâles vivant dans deux bandes différentes et en ont analysé la fréquence, la longueur et la tonalité.
Similarité acoustique
Les scientifiques allaient constater que cette «structure acoustique» présentait davantage de similarités au sein des bandes qu'entre les bandes. En outre, les ressemblances étaient d'autant plus fortes dans les sous-groupes –les babouins vivent en bandes fortement hiérarchisées associant plusieurs clans familiaux. Selon les chercheurs, ces points communs sont donc probablement causés par l'exposition des individus aux sons de leur groupe.
De fait, comme le montre l'étude, cette similarité acoustique n'est pas corrélée à la parentèle –le degré de proximité génétique entre les individus–, ce qui laisse entendre que la convergence vocale est plutôt le fruit de la densité des interactions sociales entre les animaux, et non pas tant de leurs rapports familiaux.
Pour les scientifiques, qui soulignent cependant la taille modeste de l'effet statistique observé, cette convergence pourrait être le résultat d'une intégration sensori-motrice, une forme implicite d'apprentissage vocal présent également chez les humains. Et, comme les humains qui attrapent un accent dans leur cercle social, il serait possible que les babouins reproduisent les sons qu'ils entendent. Selon Fischer, interrogée par Ibrahim Sawal du New Scientist, avoir un même accent serait un liant social chez les babouins de Guinée, en suscitant davantage de confiance entre les membres de la bande.
Ce que l'on observe également chez les humains qui, dès leur plus jeune âge, discriminent davantage leurs petits congénères par leur façon de parler que par leur couleur de peau.