Les scientifiques n'ont pas attendu une pandémie mondiale ni les confinements que nous vivons pour étudier l'impact de la solitude sur notre corps et notre cerveau. Dans les années 1950, déjà, le psychologue canadien Donald Hebb a payé des étudiants pour qu'ils restent seuls dans des pièces minuscules, les mains dans des tubes en carton, les oreilles recouvertes d'un coussin et des lunettes opaques placées sur les yeux. Très vite, leurs facultés mentales se sont détériorées.
Certes, les humains connaissent rarement un isolement social aussi extrême, mais plusieurs études ont montré que dans la vie quotidienne également, être seul peut fortement dégrader notre santé physique et mentale. Les personnes ayant des relations sociales fortes ont ainsi une probabilité de survie accrue de 50% sur une période donnée, par rapport à celles qui ont des liens sociaux plus faibles, indique un article du magazine américain Wired. D'autres études ont établi un lien entre la solitude, les maladies cardiovasculaires et la dépression.
Cependant, ce n'est que récemment que les scientifiques ont pu observer les effets de l'isolement social sur notre cerveau. En 2020, une neuroscientifique du MIT, l'Institut de technologie du Massachusetts, a justement montré que les contacts sociaux constituent un réel besoin de notre cerveau.
Privé de contacts sociaux, le cerveau ressent un manque
Pour cette expérience, Livia Tomova a recruté quarante volontaires et leur a demandé de se séparer de leurs smartphones, tablettes et ordinateurs portables, et de passer dix heures seuls dans une pièce. Pour s'occuper, les participants pouvaient simplement faire des puzzles ou écrire. Une fois le temps écoulé, la chercheuse a réalisé des IRM fonctionnelles, une technique utilisée pour l'étude du fonctionnement du cerveau, sur les volontaires isolés.
Lorsqu'elle leur montrait des photos illustrant un rapport social, les régions de leur cerveau associées aux envies s'illuminaient, de la même manière que lorsqu'elle montrait des photos de nourriture à des personnes affamées. Cette zone du cerveau est riche en neurones dopaminergiques, qui déterminent nos motivations et nos attentes vis-à-vis du monde qui nous entoure, précise l'article. Dès que notre cerveau anticipe une activité gratifiante, comme manger ou avoir un contact social, ces neurones s'activent. Problème: si cette action n'est pas réalisée, notre cerveau ressent une sensation négative, semblable à une fringale.
Cela pourrait expliquer les conséquences néfastes de l'isolement à long terme, d'après Livia Tomova. «Si vous vous trouvez dans un état de stress prolongé, les mêmes adaptations, qui sont à l'origine saines et nécessaires, vont en fait devenir préjudiciables parce qu'elles ne sont pas conçues pour être des états à long terme», expose-t-elle.
Dans ce sens, la pandémie de Covid-19 a été une expérience naturelle sans précédent. Selon les spécialistes, elle pourrait même constituer un tournant dans la compréhension de la solitude. «J'ai vraiment l'espoir que ce soit un énorme signal d'alarme, un point de réflexion, pour que nous puissions en tirer des leçons», avance Julianne Holt-Lunstad, autrice de deux études majeures sur l'isolement social et la santé.