«Regarder jouer Messi, c'est comme avoir un orgasme.» Luis Figo, l'ancien international portugais, est allé droit au but pour qualifier les performances du nouveau génie argentin du football qui sera peut-être la vedette de la prochaine Coupe du Monde en Afrique du Sud.
Huit ans plus tôt, Ronaldo, l'attaquant brésilien, s'était lui aussi largement déboutonné dans le sillage immédiat de sa victoire, avec le Brésil, lors de la Coupe du Monde 2002. Selon lui, gagner le trophée le plus convoité du sport était carrément supérieur au plaisir sexuel. «Je suis sûr que du sexe n'aurait pas été aussi satisfaisant que cette Coupe du Monde, avait-il indiqué avant de préciser sa pensée. Ce n'est pas que le sexe, ce n'est pas bien, mais la Coupe du Monde a lieu tous les quatre ans, alors que le sexe...» Puis, face à des reporters médusés, il avait alors ajouté qu'après le mois d'abstinence enduré à cause de cette Coupe du Monde disputée entre la Corée du Sud et le Japon, il était temps pour lui de se lâcher enfin. «Je vais avoir du sexe dans quelques instants», avait-il averti.
En Angleterre, voilà près de 15 ans, Mick Fitzgerald, un jockey, qui venait de gagner une grande course à Liverpool, avait été plutôt direct au micro de la BBC. «Mick Fitzgerald, vous venez de remporter le Grand National, votre sentiment?», lui avait demandé le journaliste. «Je n'avais jamais vécu 12 minutes comme celles-là, avait-il répondu. A côté de ça, le sexe, ce n'est rien.» Quelques années plus tard, Fitzgerald, devenu célèbre grâce à cette saillie, avait titré ses mémoires: «Better than sex».
Le cricket meilleur que le sexe, «convenons-en»
En devenant champion olympique du 400m à Pékin en 2008, l'Américain LaShawn Merritt avait, lui, déclaré qu'il avait attendu «ce moment depuis quatre ans», mais il n'avait pas évoqué sa vie sexuelle. Il y a quelques jours, nous avons appris davantage à ce sujet en ce qui le concerne par le biais d'un contrôle antidopage positif à un produit consommé pour... agrandir son pénis. «Savoir que j'ai été contrôlé positif à un produit que j'ai utilisé pour des raisons personnelles est très difficile à accepter, a réagi l'athlète, également sacré champion du monde en 2009. J'espère que mes sponsors, ma famille, mes amis et mon sport me pardonneront d'avoir commis une erreur si bête, immature et égoïste. Toute sanction que je pourrais recevoir ne sera rien comparée à la honte et à l'humiliation que je ressens intérieurement. » Pour Merritt -c'est ce que l'on peut en déduire- le sexe semblait donc lié à une frustration alors que rien, et personne, ne peut l'arrêter sur le tour de piste. Le sport, meilleur que du sexe, c'était peut-être vrai aussi pour lui...
Le sport peut-il être meilleur que le sexe, ou au moins son égal? Le dramaturge Harold Pinter, qui n'avait pas le Q.I. d'un footballeur, avait, lui, un avis tranché dans ce débat: «Le cricket est la plus grande chose que Dieu ait inventé», a-t-il déclaré lors de la toute dernière interview donnée avant sa mort. Pour évoquer tous les plaisirs que lui offrait cette discipline devenue pour lui une sorte de passion addictive, il a ensuite ajouté: «C'est meilleur que du sexe qui, convenons-en, est déjà une chose plutôt agréable.»
Il y a quatre ans, lors de la Coupe du Monde de football en Allemagne, des scientifiques britanniques avaient voulu en avoir le cœur net. Ils avaient ainsi isolé un groupe de supporters anglais «testés» lors des rencontres jouées par David Beckham et ses coéquipiers. Pendant les matches, les fans avaient ainsi subi une batterie d'examens: suivi du rythme cardiaque, relevé d'échantillons de salive... Le professeur Ron Maughan, en charge de l'étude pour le compte de l'Université de Loughborough, en avait tiré la conclusion suivante: «Le niveau atteint par leurs pulsations cardiaques était généralement celui d'un homme lors d'un orgasme et le dépassait même en quelques occasions. Nous savions que les fans de football avaient la passion de leur équipe, mais ces résultats prouvent que pour certains, le football, c'est encore mieux que du sexe.» Combien, il est vrai, d'épouses délaissées le week-end par leurs conjoints partis encourager leurs équipes préférées comme s'il n'y avait plus qu'elles qui comptaient.
Dormir avec son ballon de foot
Devant la presse, les sportifs usent souvent de la métaphore sexuelle pour définir leur niveau d'excitation après une belle performance: «J'ai pris mon pied» en est l'une des plus familières. Mais vous entendrez rarement une sportive l'employer car cette dimension sportive et sexuelle est avant tout masculine. Ce sont des histoires de grands et petits garçons.
Le célèbre joueur de football anglais, George Best, dont les excès de toutes sortes (alcoolisme, femmes...) ont aussi façonné sa légende jusqu'à sa mort prématurée en 2005, avait ainsi raconté dans un ouvrage qu'enfant, il dormait avec un ballon de football dans son lit: «Je sais que c'est insensé, mais j'aimais le toucher. Je le prenais dans mes mains, je le regardais et je lui disais:«un jour, tu feras tout ce que je te demanderais.» Voilà des écrits qui auraient bigrement intéressé Papa Freud pour qui le sport était une sublimation de la sexualité.
Pour le commun des mortels, il est difficile d'imaginer que le sport puisse être meilleur que le sexe, même si nous avons tous connu nos moments de grâce ballon au pied, raquette en main ou chevauchant un vélo. Pour les sportifs de haut niveau, en revanche, il existe une grande différence: ils peuvent jouir éternellement de leurs plus belles envolées d'athlètes par le biais de la vidéo alors qu'ils ne pourront jamais prouver à la face du monde qu'ils sont des Dieux dans d'autres domaines.
Yannick Cochennec
Photo: Lionel Messi célèbre un but contre Arsenal en Champion's League le 6 avril 2010, REUTERS/Albert Gea