Pour présenter sa candidature, un fond noir. Ce n'est pas qu'on soit friand du rose bonbon mais le noir, au-delà de la branche parisienne et des nuances de Soulages, ca n'inspire pas tout à fait l'enthousiasme. Le souffle du candidat est court, la posture guindée. C'est toujours mieux qu'un sourire forcé mais il y a dans le ton de sa voix, l'expression de son visage, quelque chose de triste qui ennuie déjà. Xavier Bertrand est candidat. Le Point a négocié l'exclusivité de l'annonce conférant à la candidature une dimension spectaculaire sans que l'on sache qui, de l'hebdomadaire ou du candidat, en est le premier bénéficiaire. Il y a ce lieu commun aussi, en forme de lustre télégénique: Xavier Bertrand, 56 ans, n'est pas candidat du fait d'une émoustillante ambition personnelle mais par sens du «devoir».
Dans la tradition de la droite française, le candidat déclaré est un baron local relativement médiatique: président du conseil régional des Hauts-de-France, depuis 2016. Il ne vient pas de nulle part. Il a été secrétaire général de l'UMP de 2008 à 2010 sous Nicolas Sarkozy, époque crise des subprimes. Ancien ministre de la Santé du gouvernement de Villepin, ministre du Travail sous Fillon, l'homme a quitté Les Républicains en 2017 après l'élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti. Comme Emmanuel Macron en son temps, le candidat mise sur une candidature au-dessus des partis. «La période favorise les candidats qui s'affranchissent de leur parti d'origine, analyse Bruno Cautrès, chercheur et politologue au CNRS et au Cevipov. Ils doivent cependant s'appuyer sur un appareil politique, quitte à le créer, pour populariser leur mouvement et collecter les fonds nécessaires à une campagne électorale.»
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Autorité, travail, sécurité et décentralisation
Pour quel programme? Xavier Bertrand appuie singulièrement sur quatre thèmes: autorité, travail, sécurité et décentralisation. L'équation électorale, entre gris clair et gris foncé, ne fait pas résolument rêver. Mieux vaut miser sur une lucidité sobre que sur un pur plan de com' pensé par un publicitaire, mais le ton gris corporate du candidat déçoit tout de même. Xavier Bertrand est un ancien agent général de Swiss Life, le plus grand groupe d'assurance-vie de Suisse. La rigueur gestionnaire n'est pas un vilain défaut, loin de là, mais elle ne suffit pas à ouvrir les imaginaires vers un avenir plus juste et moins polluant.
Yannick Jadot, député européen EELV, vient d'appeler –sur France Inter– à l'union des gauches et des écologistes pariant sur une possible candidature unique et affirmant, en toute logique arithmétique, que si la gauche est «divisée» elle n'aura «aucune chance de gagner» contre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
«En sortant du bois maintenant, Xavier Bertrand veut tuer la primaire à droite et s'imposer en rassembleur, gaulliste et social.»
Xavier Bertrand parle-t-il d'écologie? Il est hostile à tout projet d'éoliennes dans sa région et le dit «sans ambages: je suis pro-nucléaire». Comme si la droite pouvait se passer d'une vision écologiste.
«En sortant du bois maintenant, Xavier Bertrand veut tuer la primaire à droite et s'imposer en rassembleur, gaulliste et social, sachant parler aux classes populaires et moyennes qui seront les plus touchées par la pandémie, souligne Bruno Cautrès. Les Français ont tendance à voter pour un chef empathique.» Xavier Bertrand n'est pas énarque. Il revendique le terrain, loin de Paris. Reste à gagner les régionales de juin 2021 –à moins d'un report– pour asseoir sa légitimité. Et après? Pandémie de chômage à l'horizon.
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Une élection qui se jouera sur le volet social
«Le nombre de Français sous le seuil de pauvreté en 2021 est estimé à près de 12 millions, soit 18.46% de la population française», observe le site francetransactions.com. Les mois qui viennent devraient encore charger la barque. «En 2021, ce sera l'ampleur des faillites et les non-réouvertures de commerces (les fermetures définitives) qui détermineront la trajectoire du chômage dans notre pays, qui de toute façon retrouvera un niveau insupportable de plus de 10% comme au début de la décennie 2010», souligne Sébastien Laye, entrepreneur dans l'immobilier et économiste à l'Institut Thomas More dans une chronique pour Capital. Certains secteurs traditionnellement créateurs d'emplois, comme le tourisme et le transport aérien, risquent de payer cash. Jusqu'à 30.000 emplois pourraient bientôt disparaître à l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle qui fonctionne au ralenti depuis plus d'un an.
«L'élection de 2022 se jouera essentiellement sur le volet social plutôt que sur la vision écologiste, estime Bruno Cautrès. De nombreux Français seront bientôt confrontés à des problématiques de survie. S'il veut arriver au second tour, Xavier Bertrand devra proposer un modèle social, stable et cohérent, capable d'absorber le choc du chômage dont l'impact pourrait durer plusieurs années.» Comme si l'écologie n'était plus qu'un luxe. Valérie Pécresse aurait-elle quelque chose à déclarer?