Culture

«Falcon et le soldat de l'hiver», les super-héros en proie au deuil

Temps de lecture : 6 min

Disponible sur Disney+, la mini-série est à la fois une série d'action reprenant les codes des films Marvel et une saga sur le deuil.

Falcon et le soldat de l'hiver pose la question de savoir ce que ça fait de revenir à la vie après cinq ans d'absence. | Capture d'écran Marvel FR via YouTube
Falcon et le soldat de l'hiver pose la question de savoir ce que ça fait de revenir à la vie après cinq ans d'absence. | Capture d'écran Marvel FR via YouTube

Après WandaVision, vous reprendrez bien une dose de super-héros qui parlent de deuil? Il est étonnant de voir que toute œuvre du Marvel Cinematic Universe est, depuis 2019, liée au souvenir d'un disparu et de ce difficile cap à surmonter. Spider-Man lutte pour accepter la perte de son mentor Iron Man. Wanda vit dans le refus de la destruction de son mari Vision.

Falcon et le soldat de l'hiver est le récit de deux âmes en peine, deux combattants qui ont perdu leur compagnon d'armes et leur meilleur ami. Et c'est plus amusant qu'on pourrait le croire.

Affiche promotionnelle de la série. | Marvel

Un duo à la fois naturel et compliqué

Difficile de dire quelle est la plus grande star de cette buddy série, alors respectons la nomenclature du titre. Sam Wilson (incarné par Anthony Mackie) était le meilleur ami de Steve Rogers, alias Captain America, tout du moins depuis que celui-ci s'est réveillé à notre époque dans Captain America. Les deux militaires ont sympathisé immédiatement. Wilson peut voler grâce à des ailes super perfectionnées et possède une sorte de drone de combat baptisé «Red Wing». Dans le monde des comics, il possède un véritable faucon et peut communiquer par télépathie avec les oiseaux. Mais le MCU fait toujours quelques sacrifices pour maintenir une certaine dose de réalisme.

Avant de devenir Falcon, Sam s'occupe de vétérans, un rôle de médiateur que Captain America perpétue dans Endgame, lorsque la moitié de l'humanité a disparu à cause de Thanos. Il travaille désormais avec l'armée américaine mais donne l'impression de se chercher. C'est à lui que Captain America passe officiellement le flambeau en lui confiant son bouclier. Son choix est logique, mais Sam semble ne pas l'assumer. La tâche est difficile, qui peut le blâmer?

Bucky, pardon, James Barnes, était considéré comme mort depuis plus de soixante ans jusqu'à qu'il ne revienne comme l'Ange noir d'Hydra. Incarné par Sebastian Stan, le jeune officier et meilleur ami de Steve Rogers pendant la Seconde Guerre mondiale a subi un traitement analogue à celui de Captain America. Seulement, à coups de lavages de cerveau, il est devenu une machine à tuer aux ordres d'Hydra. Sous le pseudonyme de Winter Soldier, le fameux «soldat de l'hiver», il a perpétré des crimes horribles aux ordres de l'organisation terroriste.

Dans le monde des comics, ce lavage de cerveau est le fruit des savants du bloc communiste, trop heureux de posséder un soldat pouvant rivaliser avec Captain America. C'est justement ce dernier qui lui fait reprendre ses esprits. À présent gracié pour les crimes commis sous le contrôle d'Hydra, il se sent quand même responsable. Alternant séquences chez le psy et règlements de comptes avec le passé, il essaye de mener une vie normale. On en oublierait presque son bras amputé, remplacé par une prothèse cybernétique.

Falcon et le soldat de l'hiver est une réflexion sur la perte d'un ami et sur ce qu'il a laissé, le thème central de la phase 4 du MCU. | Capture d'écran via Marvel

Une nouvelle tradition Marvel

Le thème principal de cette série aux profils si différents est celui de l'héritage. Il ne s'agit pas là de faire un Succession avec des super-héros, mais de voir deux amis d'amis faire équipe. À un moment, il va falloir décider qui sera le nouveau Captain America, ce qui est assez nouveau, à la fois pour le monde des comics Marvel et pour le Cinematic Universe.

Chez le concurrent DC Comics, de nombreux personnages ont évolué sous forme de générations, introduisant régulièrement des relèves. Flash a été incarné par différents héros à travers plusieurs décennies, que cela soit Barry Allen, Jay Garrick, Wally West et d'autres encore. Il en va de même pour Green Lantern et tant d'autres qui ont eu à leurs côtés des sidekicks aptes à prendre la relève. Même si Bruce Wayne est ancré dans son rôle de Batman, il s'est constitué une famille, avec encore plus la notion d'héritage à partager entre les quatre ou cinq Robins. L'hérédité fait partie de l'ADN de DC Comics. C'est moins le cas chez Marvel, bien ennuyé à l'idée de remplacer Chris Evans et Robert Downey Jr., leurs contrats étant arrivés à expiration. Depuis quelques années, l'éditeur essaye d'imposer de nouvelles figures plus jeunes, aptes à prendre la relève. Falcon et Bucky ont tous les deux brandi le bouclier du Captain, à la tête de leur propre BD. Évidemment, ils lui ont rendu après.

Sorti en France, la mini-série Falcon et le soldat de l'hiver est la jouissive version d'un buddy movie de deux rivaux mais néanmoins amis. | Couverture de BD / Marvel

Pour le MCU, l'enjeu est donc de lancer correctement sa quatrième phase. Pour pimenter la situation, on voit deux ennemis jurés de Captain America réapparaître. Tout d'abord le Franco-Algérien Batroc (incarné par le Canadien Georges St-Pierre, ex-champion d'arts martiaux mixtes –MMA). Mercenaire sans scrupule, son personnage est une mise à jour intéressante du bon vieux Georges Batroc, le moustachu Errol Flynn, spécialiste de la savate. Son truc, c'était de faire rire les lecteurs américains en criant «sacrebleu» en français dans le texte. La version MCU est plus sombre, sans doute à cause de son passé dans la Légion étrangère. L'autre revenant, Zemo, est sans doute l'un des meilleurs méchants du monde de Captain America et le moins bien utilisé dans un film. Du Baron nazi fou, ils ont fait un complotiste vengeur joué par Daniel Brühl. Peut-être que cette fois-ci sera la bonne? Revenant aussi dans le MCU, Sharon Carter est la petite nièce de Peggy Carter, l'amour avec qui Steve Rogers a choisi de passer le restant de ses jours.

Deux nouvelles entités vont venir semer le chaos au cours de la saison. D'une part, la nouvelle organisation les Flag Smashers, qu'on peut deviner partiellement inspirée de Qanon. Radicalisé depuis le retour à la vie de la moitié de l'humanité, ce groupuscule terroriste veut revenir au monde d'avant. Le complotisme est en toile de fond dans ce monde où l'on croit volontiers que Captain America vit tranquillement caché sur la Lune. Comme s'il était plus plausible d'avouer aux gens qu'il est reparti vivre sa vie dans les années 1940 avec Peggy Carter. Et de l'autre, le gouvernement américain lui-même, jamais en reste pour prendre une mauvaise décision. En l'absence de Captain America en titre, les autorités choisissent arbitrairement un type pour le remplacer, à savoir John Walker. Exactement comme dans les comics, c'est le genre de décision qui tourne toujours mal.

Le retour de Batroc the Leaper, le premier super-vilain français du monde Marvel créé par Stan Lee et Jack Kirby en 1966. | Marvel / montage Daniel Andreyev

Des super-héros intouchables?

Tout comme dans Spider-Man: Far From Home, Falcon et le soldat de l'hiver pose encore plus la question de savoir ce que ça fait de revenir à la vie après cinq ans d'absence. Plein d'assurance, Falcon se dit que la vie va lui être facile. Mais ce n'est pas parce qu'on est un Avengers et qu'on s'est battu contre Thanos que l'on obtient plus aisément un prêt bancaire. C'est le groove particulier de cette série qui se vit un peu en prenant son temps.

Dans les scènes de Sam Wilson, alias Falcon, la caméra cherche à s'éloigner le plus possible, pour lui donner de grands espaces. On capte ainsi au maximum son univers et sa famille. Pour Bucky, la caméra se fait très proche, parfois même abusivement pour les séances chez sa psy. Comme si l'objectif était de nous faire ressentir son malaise et le monde de colère dans lequel il s'est enfermé. Ce choix de réalisation n'est pas anodin.

Les deux héros font partie de cette phase 4 du MCU destinée à relancer toute une industrie de blockbusters après le départ de ses stars principales.

Kari Skogland, réalisatrice canadienne qui a signé des épisodes de séries aussi différentes que La Servante écarlate et The Walking Dead, a déclaré dans une interview au site Polygon que le film Intouchables a eu une influence considérable sur Falcon et le soldat de l'hiver. «Je me suis inspirée de la vulnérabilité des personnages. C'est un film spectaculaire. Je crois que ça m'a rassurée quant à la possibilité d'explorer justement la vulnérabilité de Bucky et de Sam, qu'on puisse entrer au plus profond de leur sensibilité, et avoir de l'empathie pour eux. Parce que ce qui est en apparence leur vulnérabilité est en fait ce qui les rend plus forts.»

Alors que le film Black Widow sort finalement le 9 juillet sur la plateforme de Disney, Falcon et le soldat de l'hiver donne l'impression de passer déjà à autre chose. Les deux héros, pas forcément les têtes de gondole habituelles, font partie de cette fameuse phase 4 du MCU destinée à relancer toute une industrie de blockbusters après le départ de ses stars principales. Et peut-être que cette série sur le passage de flambeau, le deuil et l'héritage va réussir à faire en six épisodes ce qui est difficile à faire au cinéma: donner à ses héros le temps de guérir.

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