On commence à le savoir: pour la plupart des gens, la maladie causée par le virus SARS-CoV-2 ne provoque que peu, voire pas de symptômes. Mais les cas graves peuvent rapidement évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire et être mortels. On sait aussi que si l'âge et la présence d'affections de longue durée (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, notamment) sont des facteurs de risque importants, ils ne sont pas les seuls à expliquer les différences de gravité, puisqu'on déplore aussi des morts et des malades graves chez des personnes jeunes, sans comorbidités. Qui sont souvent des hommes.
Cela indique que certains facteurs génétiques pourraient être à l'origine d'une déficience de leur système immunitaire inné. C'est la piste qu'a suivie une équipe de chercheurs italiens, menée par Chiara Fallerini, généticienne du département des biotechnologies médicales de l'université de Sienne, pour trouver que des hommes jeunes atteints par le Covid-19 étaient effectivement porteurs de mutations génétiques connues pour diminuer l'immunité innée.
Se basant sur des travaux récents montrant que les gènes codant pour l'un des acteurs-clés de l'immunité antivirale, le récepteur Toll-like 7 (TLR7), jouent un rôle très important dans la régulation de la réponse immunitaire au Covid-19, Fallerini et ses collègues ont voulu voir s'il s'agissait d'une anomalie ultra-rare ou, au contraire, de la partie émergée de l'iceberg. De fait, ces gènes contrôlent l'action des interférons, ces protéines produites par l'organisme en réponse à une infection virale et qui agissent de concert avec les récepteurs TLR, des molécules situées à la surface des cellules immunitaires où elles détectent les virus et déclenchent la réponse immunitaire.
La même mutation
L'étude de Fallerini et al. porte sur 156 malades masculins, âgés de moins de 60 ans et sélectionnés dans une vaste étude, la GEN-COVID, courant depuis mars 2020 dans plus de quarante hôpitaux italiens.
Tout d'abord, l'équipe a analysé tous les gènes du chromosome X des hommes présentant des cas légers et graves de Covid-19, et a identifié le gène TLR7 comme l'un des plus importants liés à la gravité de la maladie. Ensuite, elle est partie à la traque de ce gène dans l'ensemble de la base de données GEN-COVID, en sélectionnant des hommes jeunes. Ce qui lui a permis d'identifier des mutations rares du gène TLR7 chez 6,3% patients atteints de Covid-19 dont le pronostic vital était engagé, et aucune mutation similaire chez ceux ne présentant que peu de symptômes. L'équipe scientifique a également trouvé la même mutation chez trois hommes âgés de plus de 60 ans: deux d'entre eux étaient atteints d'une forme grave du Covid-19 et le troisième présentait peu de symptômes.
Pour établir un lien entre ces mutations et la réponse des cellules immunitaires, les chercheurs ont ensuite traité des globules blancs de patients guéris avec un médicament qui active les gènes TLR7. Là, ils ont constaté que l'expression des gènes TLR7 était plus atténuée dans les cellules immunitaires des patients présentant des mutations, en comparaison à l'activité TLR7 observée dans les cellules immunitaires normales. Avec, en outre, des niveaux plus faibles d'interféron dans les cellules porteuses de la mutation par rapport aux globules blancs normaux. Une observation confirmée chez deux frères, l'un présentant une mutation dans un gène de l'interféron et l'autre non. Conclusion: les mutations identifiées affectent bien directement le contrôle de l'interféron dans le cadre de la réponse immunitaire innée.
La bonne nouvelle, c'est que les porteurs de cette mutation génétique rare, susceptibles d'expliquer un peu plus de 2% des cas graves chez les hommes jeunes sans comorbidités, pourraient être dépistés en amont et bénéficier des traitements par interférons aujourd'hui à l'étude dans l'arsenal thérapeutique contre le Covid-19.