Sciences

Hommes et femmes n'occupent pas l'espace de la même manière... depuis 2,5 millions d'années

Temps de lecture : 2 min

Ce comportement différencié montre que les déplacements typiquement masculins sont plus difficiles en matière de navigation et exigent donc de meilleures capacités cognitives spatiales.

L'étude porte sur les Hadza, peuple nomade de Tanzanie. | Andreas Lederer via Wikimedia Commons
L'étude porte sur les Hadza, peuple nomade de Tanzanie. | Andreas Lederer via Wikimedia Commons

Nous sommes des primates spatiaux. Arpenter, explorer et penser l'espace font partie de nos activités les plus quotidiennes, que ce soit pour se frayer un chemin dans la foule en respectant les gestes barrières, ne pas se perdre en randonnée ou tout simplement réussir son créneau alors que ça klaxonne fort derrière. Mais par rapport aux autres singes, l'espèce humaine se distingue par son exploitation de l'espace.

De fait, notre répartition dans à peu près tous les habitats terrestres envisageables témoigne d'une capacité inégalée d'exploration et d'adaptation à des environnements nouveaux. Une organisation spatiale qui reflète à son tour les institutions sociales structurant le degré de coopération exceptionnel dont est capable notre espèce. Parmi ces institutions... la division sexuée du travail.

Une étude expose combien la sexuation de la division du travail dans les sociétés humaines au cours des 2,5 millions d'années écoulées aura forgé notre utilisation de l'espace, et peut-être même notre façon de l'appréhender. Menée par une équipe de recherche dirigée par Brian Wood, anthropologue affilié à l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionnaire et à l'Université de Californie à Los Angeles, elle porte sur les Hadza, peuple nomade de Tanzanie, dont les scientifiques ont mesuré les déplacements durant près de quinze ans à l'aide petits traceurs GPS.

Au total, les données rassemblent plus de 20.000 kilomètres parcourus par les Hadza entre 2005 et 2018. Les appareils étaient distribués chaque matin, à l'heure du réveil du camp, et repris le soir. Ces données concernent 179 individus, âgés de 2 à 84 ans, issus de quinze camps différents.

Les hommes marchent davantage et sont plus solitaires

En constituant par la même occasion le plus large ensemble de données aujourd'hui disponible sur le comportement spatial d'une société traditionnelle de subsistance, Wood et ses collègues nous ouvrent une fenêtre sur un mode de vie très mobile, la norme pour notre espèce avant la généralisation de l'agriculture.

Parmi les résultats les plus surprenants, le fait qu'hommes et femmes utilisent l'espace d'une manière quasi parfaitement ségrégée, comme s'ils vivaient dans deux mondes distincts. Première différence de taille: les distances parcourues. Le record est établi par un homme, avec près de 32 kilomètres quotidiens. En moyenne, les hommes hadza marchent 13 kilomètres par jour et les femmes –pour beaucoup accompagnées de jeunes enfants– en font un peu plus de 8. En outre, ces différences sexuées commencent à se creuser aux alentours de 6 ans, pour s'émousser à partir du milieu de la quarantaine. Pourquoi? Principalement parce que les déplacements des hommes diminuent. Le kilométrage des femmes, lui, reste beaucoup plus stable tout au long de leur vie.

En somme, l'étude de l'équipe de Wood démontre que le comportement spatial humain est très fortement sexué. Dans leurs déplacements quotidiens, les hommes ont tendance à aller plus loin, à parcourir des zones plus variées et à avoir des itinéraires plus sinueux. Ils sont aussi plus solitaires, notamment lorsqu'ils cherchent de la nourriture. Ces tendances sont conformes à l'écologie sexuée de la chasse et de la cueillette, qui voient les hommes collecter des ressources plus rares, plus denses en énergie et plus mobiles que les femmes. Ce comportement spatial différencié montre également que les déplacements typiquement masculins sont plus difficiles en matière de navigation, et donc exigent de meilleures capacités cognitives spatiales. Des différences d'aptitudes qui se font d'ailleurs jour dans les tests cognitifs effectués dans les pays industrialisés.

Ces différences entre les sexes en matière de cognition ou de performances spatiales résultent-elles d'environnements de développement différents ou sont-elles le produit de prédispositions physiologiques innées? C'est une des quelques questions que l'étude laisse en suspens.

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