Égalités / Sports

Dans le sport américain, l'égalité des sexes marque des points

Temps de lecture : 5 min

La NBA a pris le sujet à bras le corps et la Major League Soccer commence à rattraper son retard. En comparaison, le foot européen fait pâle figure.

Megan Rapinoe et Alex Morgan, membres de l'équipe de football féminin américaine. | Mike Ehrmann / Getty Images / AFP

 

 
Megan Rapinoe et Alex Morgan, membres de l'équipe de football féminin américaine. | Mike Ehrmann / Getty Images / AFP    

«Nous sommes une marque mondiale qui essaie de montrer l'exemple, et nous sommes convaincus que le succès de notre ligue dépend de la diversité et de l'inclusion», explique Elsa Memmi. La Franco-Tunisienne née à Paris, qui a rejoint la NBA en 2008, est aujourd'hui responsable des médias et partenariats pour la ligue américaine sur le marché européen, africain et moyen-oriental. «Nous avons encore du chemin à faire, mais je suis très fière que la NBA soit la ligue masculine la plus diversifiée en matière de genre aux États-Unis.»

La NBA, une pionnière de la parité

Si l'industrie du sport est encore dominée par les hommes, la NBA fait figure de pionnière avec 40,3% de femmes employées par la ligue pour la saison 2019-2020. Un chiffre en constante progression depuis sa création et qui touche aussi les équipes, puisque soixante-quatre femmes occupent des postes d'encadrement entre le front office de la NBA et ses trente franchises.

À titre de comparaison, le comité d'administration et le Bureau de la Ligue de football professionnel (LFP) en France sont composés à 100% d'hommes. Idem chez les présidents et entraîneurs des clubs de Ligue 1.

«Je n'ai pas besoin de chercher bien loin pour trouver des modèles féminins inspirants en NBA, relève Elsa Memmi. La saison est d'ores et déjà historique avec Becky Hammon qui est devenue la première femme entraîneuse début janvier (San Antonio Spurs), et avec le premier match arbitré par un duo féminin le 25 janvier. Il y a aussi Kelly Krauskopf, la première à décrocher un poste de direction dans une franchise en 2019 (directrice adjointe des Indiana Pacers), et Michele Roberts qui est la seule femme à la tête d'un syndicat professionnel de joueurs (National Basketball Players Association).»

Elsa Memmi fait elle aussi figure d'exemple puisque son équipe basée à Londres est composée d'autant d'hommes que de femmes. «Je suis déterminée à donner les mêmes chances et opportunités à tous. J'ai toujours insisté sur l'importance de la diversité des sexes dans les processus de recrutement, de formation et de promotion. Et je suis heureuse que la ligue me supporte et soit très réceptive sur ces questions.»

Un poste de directeur de la diversité et de l'inclusion

Longtemps considérée comme trop lisse sur les questions politiques et sociales, la NBA s'est transformée ces dernières années sous l'impulsion de son nouveau Commissionner, Adam Silver, à la tête de la ligue depuis février 2014. «C'est un vrai progressiste qui a compris les enjeux de notre époque», résumait le journaliste américain Gary Washburn en septembre. Parmi ses faits d'armes, Adam Silver a décidé en 2014 de bannir à vie le patron des Los Angeles Clippers, Donald Sterling, après des propos racistes sur les Noirs américains. L'année suivante, il a sanctionné financièrement un des joueurs phares de la ligue, Chris Paul, après des propos sexistes envers une arbitre.

Il a également encouragé les joueurs et les joueuses à s'exprimer et à manifester leur soutien au mouvement Black Lives Matter à l'occasion de la reprise du championnat l'été dernier dans la bulle d'Orlando.

«Il n'y a aucune raison de ne pas voir plus de femmes entraîner en NBA», a-t-il déclaré en mai 2019 au moment de fixer les objectifs de la ligue en matière d'égalité des sexes. «Le but, c'est d'arriver à la parité au niveau du nombre d'arbitres et d'entraîneurs.» Pour ce faire, la NBA a engagé en août 2020 une personne dédiée à plein temps à la diversité et à l'inclusion au sein de la ligue, Oris Stuart. Son objectif est plus largement «d'établir des politiques et de développer des programmes pour augmenter la représentation des personnes de couleur et des femmes à des postes clés à travers la ligue», explique la ligue.

La voix judiciaire pour l'égalité salariale

La Major League Soccer (MLS) aussi fait figure de bonne élève en matière de parité puisque la ligue emploie 39,3% de femmes, et que beaucoup d'autres occupent des postes de direction au sein des équipes. Au-delà des chiffres, on peut saluer les nombreuses initiatives de la ligue. La MLS multiplie les campagnes comme Soccer For All, une plateforme dédiée à l'égalité sociale, et produit son propre podcast animé exclusivement par des femmes, The Call Up, qui donne chaque semaine la parole à des leadeuses féminines du monde du football. Comme la NBA, la MLS compte également dans ses rangs un directeur dédié à l'inclusion et la diversité depuis février dernier, Sola Winley.

Mais les personnes les plus engagées pour l'égalité des sexes dans les sports américians sont sans aucun doute les footballeuses de la sélection américaine. Portée par leur attaquante vedette Megan Rapinoe, elles ont porté plainte contre leur fédération en 2019 pour «discrimination sexiste», revendiquant l'égalité salariale et des conditions de travail semblables à celles de leurs homologues masculins en matière de déplacements, hôtels et infrastructures d'entraînements. Si les championnes du monde ont trouvé un terrain d'entente avec la fédération sur cette deuxième demande en décembre, elles ont été déboutées de leur plainte sur l'égalité salariale en mai 2020 et ont fait appel de la décision. «Nous n'arrêterons jamais de nous battre pour l'ÉGALITÉ», tweetait alors Megan Rapinoe.

Les footballeuses américaines peuvent en tout cas compter sur le soutien du nouveau président des États-Unis, Joe Biden. Il les a soutenues en mai dernier lors de sa campagne, les encourageant «à ne pas arrêter le combat», et en faisant pression sur la fédération en les invitant «à aller chercher ailleurs des fonds pour la Coupe du monde 2026».

Un projet de loi pour l'égalité des salaires a même été présenté devant la Chambre des représentants début mars. Porté par les députées démocrates Doris Matsui et Rosa DeLauro, il vise à «assurer des salaires équitables et justes entre les femmes et les hommes de l'équipe nationale». Il devra passer la Chambre des représentants puis le Sénat pour être mis en application.

Le football européen encore machiste et conservateur

Les sports européens et notamment le football semblent encore loin de ces préoccupations. En France, le président de la FFF Noël Le Graët a été réélu largement à la tête de l'institution le 13 mars par les représentants du football professionnel et amateur malgré son commentaire sexiste. Le Graët avait balayé la polémique sur les tensions entre l'entraîneuse et les joueuses de l'équipe de France féminine en déclarant le 3 mars: «Elles n'ont aucun match perdu. Donc elles peuvent se tirer les cheveux, ça m'est égal.»

Le 26 février, c'est l'attaquant du Milan AC Zlatan Ibrahimović qui s'est attaqué à l'engagement politique et social de LeBron James aux États-Unis, estimant que le basketteur des Lakers devrait «se concentrer sur son sport». Cette prise de position a fait sourire la star américaine de l'autre côté de l'Atlantique, convaincue que les sportifs tiennent un rôle majeur pour la justice et l'égalité sociale. Deux exemples montrant que le football européen et français est encore trop ancré dans des certitudes machistes et conservatrices.

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