Il y a des gens qui changent d'avis comme de chemise. Il y en a d'autres qui se butent toute leur vie sur une opinion, une attitude, une vision du monde. Et même au sein d'une même cervelle, il y a des positions qui restent et d'autres qui passent. Qu'est-ce qui fait la différence? Toute la part affective de notre cognition.
C'est en tout cas ce que conclut une étude menée par Matthew D. Rocklage, de l'Université du Massachusetts à Boston, et Andrew Luttrell, de l'Université d'État de Ball, montrant que les croyances fondées sur des sentiments et des émotions résistent mieux à l'épreuve du temps que celles modelées par la rationalité. Ces recherches pourraient permettre de prédire quelles attitudes sont fixes ou fugaces et aider les gens à se former des avis plus durables.
Plus la réaction est affective, moins l'opinion bouge
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont demandé à plus d'un millier de personnes dans quelle mesure elles pensaient que les opinions fondées sur des sentiments ou des réactions émotionnelles étaient plus stables dans le temps que celles étayées par la réflexion et l'analyse rationnelle. Seules 15% d'entre elles ont répondu par l'affirmative. Ensuite, pour évaluer le rôle joué par les émotions dans la formation d'avis, les chercheurs ont organisé sept expériences impliquant plus de 20.000 participants.
Par exemple, la première enquête, menée le lendemain de Noël, mesurait les sentiments suscités par les cadeaux. Cette période de l'année a permis aux chercheurs de se pencher à la fois sur des réactions réelles –et pas un scénario de laboratoire– et sur un avis relativement récent.
Ici, les participants à l'étude avaient une liste d'adjectifs pour décrire ce que leur inspiraient leurs cadeaux. Par exemple, le terme «utile» était associé à une réaction pragmatique et rationnelle, tandis que «délicieux» était plus fortement corrélé à une réaction émotionnelle. Un mois plus tard, les participants recevaient un nouveau questionnaire pour jauger la persistance de leurs opinions. Résultat: plus la première réaction avait été de nature affective, plus l'opinion n'avait pas bougé.
Dans une autre expérience, les chercheurs ont analysé 75.000 évaluations en ligne, pour constater que plus les consommateurs avaient été émotifs en postant leur premier avis, plus ils persistaient lorsqu'ils l'exprimaient à nouveau, même des années plus tard. Leurs recherches montrent également que plus des messages publicitaires sont de nature émotive, moins leur effet se dégrade au fil du temps, ce qui laisse entendre que l'effet des émotions sur les opinions serait bien causal.