Mise à jour 4 juin 2010: Le ministre de l’Intérieur des Collectivités territoriales et de l’Outremer Brice Hortefeux a été condamné en première instance vendredi 4 juin par le tribunal correctionnel de Paris pour injure raciale. Le ministre devra s’acquitter d’une amende de 750 euros.
Le 5 septembre, M. Hortefeux avait déclaré parlant d’un jeune militant UMP présenté comme arabe «Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes».
Le parquet avait estimé que les propos incriminés n'étaient pas publics, mais qu'ils étaient «outrageants» et «méprisants» et que le délit d'injure raciale était constitué. Le ministre de l'Intérieur, absent à l'audience comme au délibéré a décidé de faire appel.
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Il est son meilleur ami depuis plus de trente ans, son confident, son plus fidèle conseiller, mais il est devenu pour Nicolas Sarkozy un véritable boulet. Depuis qu'il a été nommé ministre de l'Intérieur, un poste dont il rêvait, Brice Hortefeux a échoué à incarner la fonction. Pire, il multiplie les bourdes et les erreurs au point que beaucoup s'interrogent sur ses réelles capacités à être un ministre de premier plan.
Dernière en date, la semaine dernière lorsqu'il a, de façon plus que hâtive, demandé que l'on enlève la nationalité française à un homme soupçonné de polygamie et de fraude aux allocations familiales. D'abord, parce que contrairement à ce qu'a dit le ministre, le mari de la conductrice voilée n'a visiblement pas quatre épouses selon les termes de la loi française. Ensuite, parce que la polygamie n'est pas une cause de déchéance de la nationalité, comme a fini par le concéder son collègue Eric Besson. Pour un ministre de l'Intérieur, cette accumulation d'approximations la fiche mal. D'autant plus, qu'en s'exprimant ainsi, il a mis le feu à un débat, déjà vif, sur le port du voile intégral en France. «L'attitude de monsieur Hortefeux dans cette affaire est lamentable», s'est exclamé mardi 27 avril Jean-Marc Ayrault sur RTL. «Lamentable», il ne manquait plus que ça pour celui qui avait pour ambition de devenir un des meilleurs premiers flics de France.
A droite toute
Brice Hortefeux, qui souhaite avant tout plaire à son patron Nicolas Sarkozy a, sans doutes, pêché par excès de zèle. Il s'est engouffré tête baissée dans le positionnement à droite décidé à l'Elysée après les régionales. La peur de l'insécurité et celle de l'immigration sont les deux mamelles sur lesquelles la majorité espère se refaire une santé électorale. Mais le ministre s'est, une fois encore, planté. Et ce nouveau faux-pas ravive une inquiétude ancienne à l'Elysée: et si le copain de toujours était incapable de faire un bon ministre?
Depuis ses débuts place Beauvau, tout va mal pour Hortefeux. Mauvais chiffres de la délinquance, polémique sur ses propos sur les arabes qui posent «problème» quand «il y en a beaucoup», etc. A plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy est lui-même monté au front pour donner un coup de main à l'ami Brice en s'adressant directement aux forces de l'ordre, par exemple. Il y a quelques jours encore, il a lui-même reçu à l'Elysée les principaux syndicats de police. Une initiative qui ressemble à une véritable mise sous tutelle de son second.
Conseiller n'est pas diriger
Le 31 mars, au lendemain des régionales, le chef de l'Etat n'a pas caché ce qu'il pensait aux parlementaires UMP réunis à l'Elysée: «J'ai tué le job de ministre de l'Intérieur.» Pure vantardise, ou remarque assassine? Un peu des deux probablement. Le président de la République a voulu signifier que son ami Brice n'est pas à la hauteur. Pas à sa hauteur. En quatre ans, il est vrai, Nicolas Sarkozy a su marquer le poste, par une présence de tous les instants sur le terrain et un sens aiguisé de la mise en scène médiatique. Son plus proche conseiller à Beauvau, Brice Hortefeux, aurait dû tout apprendre auprès de lui. De fait, il n'est pas arrivé à l'Intérieur en terrain inconnu, retrouvant à tous les postes des fonctionnaires nommés par Sarkozy quelques années plus tôt. Mais un bon conseiller fait-il un bon ministre? Dans le cas d'Hortefeux la question se pose, à l'Elysée comme dans les rangs des parlementaires UMP, dont certains pensent qu'il lui manque le «charisme» indispensable pour séduire les flics.
Homme de réseaux et de «coups», éminence grise, il est peu à l'aise sous les projecteurs dans le rôle de grand chef. Le nouveau ministre a beau copier les recettes de son maître (un déplacement par jour, des annonces à tout-va) jusqu'à reprendre sa rhétorique, rien n'y fait. Après les incendies de bus à Tremblay-en-France, il s'est lâché comme son modèle: «Ce ne sont pas les crapules qui vont faire la loi dans les quartiers», évoquant ensuite la «bestialité des voyous». Mais ses saillies n'ont que peu d'échos.
Mis en difficulté, Hortefeux a mobilisé les sarkozystes historiques pour venir à sa rescousse, de Christian Estrosi à Frédéric Lefebvre. L'avocat de Lies Hebbadj, l'homme accusé d'être polygame, envisage, lui, de poursuivre le ministre de l'Intérieur en diffamation. Une épine de plus que le pâle successeur aura à gérer.
Ariane Istrati
Photo: Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy / Reuters
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