Avec le confinement, certaines personnes en proie à l'isolement se sont davantage tournées vers les sites de rencontres qu'à l'accoutumée. D'autres ont jeté leur dévolu sur les activités physiques. Pourquoi pas, dès lors, croiser les deux pratiques? À quoi ressemblerait un dating du sport?
A priori ce type de pratiques semble viser une population de niche qui cadre peu avec la promesse avancée par les applis de rencontres telles que nous les connaissons jusqu'ici: un outil dédié à la multiplication des matchs le plus rapidement possible. Établir un profil revient souvent à ne choisir qu'entre trois ou quatre critères: le sexe, le genre, l'âge et la géolocalisation.
Du gagnant-gagnant
Aglaé Plunian est attachée de presse de Once, une appli de slow-dating qui ne propose qu'un seul prétendant par jour. Elle estime que la combinaison entre sport et séduction peut être un succès: «Le sport peut créer un point de rencontre, même si cela se fait de façon un peu biaisée. L'activité physique peut-être un sujet de discussion voire une passion commune, comme lorsqu'on se retrouve à un cours de cuisine pour célibataires. Avec le télétravail et le chômage partiel, c'est presque le seul loisir que l'on peut exercer en extérieur. Faire du sport et rencontrer quelqu'un, c'est un peu du gagnant–gagnant. En ce moment, pour se sentir bien on a besoin de sociabiliser, à travers un écran ou en faisant du sport.»
Pour savoir si un Tinder du sport correspondrait vraiment à la situation actuelle et si une appli de dating sportif pourrait se révéler rentable, la direction de Tinder nous a fourni une partie de ses données:
- En France, pour les 18-25 ans, la catégorie «sport» est le quatrième intérêt le plus populaire ajouté aux biographies Tinder, et «athlète» arrive en sixième position.
- Le sport le plus populaire est le football, suivi du ski, du work out, de la randonnée et de la course à pied.
- En 2020, l'occurence «sport» a atteint son sommet en juillet et son niveau le plus bas en décembre (-22% de mentions en décembre 2020 par rapport à juillet 2020).
- Le sport est cité trente fois plus souvent que le Covid dans les profils en avril 2020.
Tinder souligne que l'objectif de l'appli consiste à élaborer «une communauté inclusive pour ses membres» et que les principaux filtres de l'application sont aujourd'hui «le sexe, le lieu et l'âge». «Notre objectif est de mettre en relation des personnes qui n'auraient peut-être pas été amenées à se rencontrer dans la vraie vie. Et nous sommes fiers de la diversité de notre communauté et de la façon dont elle contribue à éliminer les barrières géographiques, culturelles et historiques traditionnelles qui, par le passé, limitaient les personnes que nous pouvions rencontrer.» Le message est clair: ne pas trier en fonction des aspérités et élargir le plus possible la communauté des utilisateurs. Il n'est donc absolument pas question d'une section 100% sportive pour le moment.
Le sport, une émulation
Sportif et joueur de tennis de 38 ans, Philippe est inscrit sur Tinder depuis cinq ans. Il y a quelques années, il se connectait une heure et demie par jour. Désormais son rythme s'est réduit à 5 ou 10 minutes quotidiennes. D'un récent match, il raconte avoir été «ébloui» par le fait que la jeune femme pratiquait le trail. «Ce type de profil m'attirera toujours. Si je pourrais m'inscrire sur un site de dating sportif? À 25 ans j'aurais dit oui, mais connaissant la réalité des choses, une femme qui fait de la peinture, sympa et jolie, ça m'irait très bien également.»
Florian Marim, lui, a créé son site de rencontres sportives à destination des hétéros: Sport RD. «Quoi de mieux que de tisser des liens grâce au sport, qui transmet des valeurs essentielles: la tolérance, le respect, l'honnêteté, l'honneur, le courage, vante la page de présentation. L'intérêt est de trouver des partenaires sportifs et, pour les célibataires, d'avoir la possibilité de faire des rencontres.»
Le fondateur du site argue que le sport est de plus en plus à la mode, et qu'avec le Covid il a constaté une hausse du nombre d'inscrits. «Il y a de l'émulation à faire du sport avec quelqu'un qui te plaît, avec un homme ou une femme qui a le même niveau que toi… Et si, en plus, le feeling passe...»
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Dans l'ombre des leaders
L'idée d'un Tinder du sport n'est pas un cas isolé. D'autres applis cherchent déjà à s'adresser à telle ou telle communauté. S'adapter à un public spécifique, est-ce l'avenir? Aglaé Plunian, de Once, qui revendique 3 millions d'utilisateurs en France et 9 millions dans le monde, n'en est pas certaine: «Cela peut être rassurant pour certaines personnes, qui aiment le sport, les échecs, les chats… Mais faire une belle rencontre, c'est aussi le fruit du hasard. Je peux être fan des Beatles, et rencontrer quelqu'un qui les déteste. Et pourtant, on peut malgré tout vivre quelque chose de formidable… Sur le long terme, cela ne peut pas être le seul argument. C'est aussi ça, la magie des relations humaines.»
Des adeptes de l'activité physique se sont-ils déjà rencontrés sur des sites de dating en prenant en considération cette caractéristique? Par un concours de circonstances, certes. Mais Tinder et les autres grandes applications absorbent un volume d'hommes et de femmes qui restera hors de portée pour leurs petites sœurs. Philippe en a fait l'expérience: «Pour avoir deux ou trois rendez-vous, il faut discuter avec vingt femmes. La question du volume se poserait clairement sur un Tinder du sport.»