Économie

Publicité: Renault redevient «peace and love»

Temps de lecture : 3 min

«Changeons de vie, Changeons l'automobile», thème du nouveau film publicitaire de Renault constructeur automobile soudain «vertueux».

Asseyez-vous confortablement bien calé dans une profond fauteuil avant de regarder la pub Renault. Ouvrez grandes vos oreilles et écoutez attentivement. Le message: Changeons de vie, changeons l'automobile. On peut se tenir les côtes, ou s'inquiéter de l'état mental des dirigeants de l'entreprise qui semblent s'être transporté du côté de Berkeley (Californie) pour relire Marcuse, le philosophe de la révolution «Peace and love» des années 70.

On peut aussi se dire: «quelle bande d'escrocs!» ou «ils sont devenus dingues!». Patrick Fourniol, le directeur marketing et communication monde de Renault, a tout tout lu tout entendu à propos de ce petit film de moins de 2 minutes. S'il n'avait une cravate rose trop bien nouée sur un col de chemise empesé, on se pincerait. Il y a eu la «Voiture à vivre», il y a désormais «Changeons de vie, Changeons l'automobile». C'est Antoine Vitez, le chantre de la culture (automobile) «accessible au plus grand nombre» devenu industriel.

Alors de quoi s'agit-il? «Changeons de vie», on est pas très loin des slogans des révolutionnaires de tous les temps. Et on enchaîne: «[l'automobile] a toujours fait le bonheur des hommes en participant à toutes les grandes révolutions de la société.» Et de révolution il en est question. D'accord, elle n'est pas marxiste-léniniste, puisqu'il s'agit de «révolution des voyages, révolutions des loisirs, révolution de la consommation, révolution des mœurs, révolution de la famille», mais le ton est à l'agit-prop. Il faut gagner la guerre des idées pour provoquer la prise de conscience et engager la révolution de l'automobile.

Poursuivons: «mais aujourd'hui [l'automobile] est-elle toujours en phase avec la société? Est-ce normal que certains aient le droit de rouler quand d'autres on juste le moyens de se déplacer? Pourquoi profiter de la vie aujourd'hui si c'est pour forcément vivre moins bien demain? Faut-il encore être un privilégié pour avoir droit au progrès? Bref, il est temps de changer les choses...» Et pour finir: «Il est temps de faire avancer à nouveau l'automobile dans le sens de l'homme, dans le sens de la vie. Renault changeons de vie, changeons l'automobile». C'est Antoine Vitez, le chantre de la culture «accessible au plus grand nombre» devenu industriel.

Renault en reviendrait presque à l'époque de la Régie nationale des usines Renault. L'entreprise nationalisée à la sortie de la guerre appartenait à tout le monde et se tenait à l'avant garde de la société en marche. Il ne fallait pas désespérer Billancourt. c'était Renault de gauche contre Peugeot de droite. Du coup, la direction s'abstenait de faire ses comptes et assurait qu'il n'y avait pas de «sureffectifs» chez Renault. Nous étions à l'automne 84. Six mois plus tard, Georges Besse annonçait qu'il fallait supprimer 40.000 emplois pour sauver l'entreprise. Ce sera fait. Renault est là. Devenir «le» constructeur vertueux

Pourquoi revenir à ce Renault citoyen du monde? Si les politiques n'ont plus de discours, les industriels ont un projet qui dépasserait la fabrication de voiture. Patrick Fourniol s'amuse du malaise. Et il insiste parle «d'engagement», de «sens», de «mobilisation» (interne) et dit qu'il faut replacer l'automobile au cœur de la société pour préparer l'avènement en 2011 d'une gamme de voiture électrique. Il s'agit en fait de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve l'automobile. Expression ultime de l'individualisme forcené et objet le plus visiblement polluant, il faut lui redonner des vertus.

De deux choses l'une donc. Soit, Renault organise un greewashing planétaire avec une pub qui sera diffusée dans le monde entier (prochainement en Russie ou en Inde), soit c'est un mea culpa gigantesque pour prendre la place du constructeur vertueux. Une place occupée par Volvo dans les années 70-80, avec ses voitures cocons respectueuses de ses passagers et de son environnement social. Toyota avait pris de l'avance avec son hybride la Prius, devenue «la» voiture acceptable aux Etats-Unis. Le problème de ce rôle est qu'il doit être tenu de bout en bout. Devenir «le» constructeur cool passe par un bouleversement complet de l'entreprise. Elle est en route assure Patrick Fourniol. Le grand timonier, Patrick Pelata, à l'avant garde du patronariat responsable mène la révolution.

Les pub Renault d'avant:

Clio : Pas assez chère mon fils

Renault Twingo préservatif fraise

Fuego GTX

Renault 11 «Des voitures à vivre»

Renault 21 Le prisonnier

Renault 12, 240 km/h... (avant la ceinture de sécurité)

Renault 4 «Demande lui beaucoup» (1973)

Renault 6... elle vous attend chez votre concessionnaire Renault (1969)

Renault 4 au temps de la réclame (1966)

Philippe Douroux

LIRE EGALEMENT SUR RENAULT: Renault revient 25 ans en arrière et Ce qui est bon pour Renault n'est pas bon pour la France.

Image de Une: Affiche publicitaire de 1974 de la Renault 4 Casafree

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