Dans la foulée des incidents survenus après la victoire de l'Algérie contre la Russie le 26 juin 2014 et sa qualification en huitièmes de finale de la Coupe du monde, Marine Le Pen a demandé la fin de la double nationalité.
Nous republions une «Explication», écrite par Grégoire Fleurot le 26 avril 2010, sur la déchéance de la nationalité française écrite lorque Brice Hortefeux, alors ministre de l'Intérieur, avait demandé à son collègue d'alors, Eric Besson, ministre de l'Immigration, d'étudier une déchéance de la nationalité française de Liès Hebbadj, le conjoint de la femme verbalisée pour port de niqab au volant, pour polygamie et fraude aux aides sociales.
Comment peut-on perdre la nationalité française?
Pour être déchu de sa nationalité française, il faut d'abord l'avoir acquise: si vous êtes né Français, personne ne peut vous retirer la nationalité française contre votre gré. Selon l'article 25 du code civil, la déchéance ne peut en outre s'appliquer si elle a pour résultat de rendre l'individu apatride. En d'autres termes, l'intéressé doit avoir une autre nationalité pour que la française lui soit retirée.
Condamnation
Si l'individu remplit ces deux conditions (avoir acquis la nationalité française et être encore ressortissant d'un autre pays), il faut ensuite qu'il soit condamné par la justice, et ce pour un acte qui justifie une déchéance de nationalité. C'est ici que la question se complique, comme l'a rappelé Eric Besson:
La question qui m'est posée est de savoir si la justice le condamne pour polygamie, d'une part, et fraude aux prestations sociales d'autre part, est-ce que l'on peut et est-ce que l'on doit prononcer la déchéance de la nationalité française [...]? Aujourd'hui, est-ce possible sur la base de l'article 25 du code civil, c'est très controversé, j'ai rencontré hier des experts, certains m'ont dit oui, certains m'ont dit non.
Le fameux article 25 prévoit quatre types d'actes qui peuvent justifier une déchéance de nationalité, parmi lesquels les actes de terrorisme et d'espionnage pour un autre pays, et plus généralement des actes préjudiciables aux «intérêts fondamentaux de la Nation». Autre cas de figure, être «condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant (...) du code du service national», ou encore être condamné pour un crime à au moins cinq ans de prison.
Procédure rare
La procédure de déchéance de la nationalité française reste très rare dans la pratique et ne concerne que des cas extrêmes: en 1940, le gouvernement de Vichy décidait par décret de déchoir Charles de Gaulle de sa nationalité française. Une fraude aux aides sociales (dont est notamment soupçonné Liès Hebbadj), considérée comme relativement fréquente, «ne fait pas partie des motifs prévus par les textes», comme le souligne le Figaro. Un sentiment partagé par Maître Eolas sur son blog: «le ministre de l'Intérieur se propose de déchoir de sa nationalité un Français en invoquant des fraudes non établies qui en tout état de cause ne justifieraient pas une action en déchéance». En fait, pour invoquer l'article 25 du code civil, il faudrait prouver que Liès Hebbadj nuit aux intérêts de la France. Or le mouvement Tabligh auquel il appartient, s'il a été soupçonné de liens avec le terrorisme aux Etats-Unis, se veut pacifiste et n'est pas considéré comme une organisation terroriste.
La déchéance n'est pas la seule façon pour un individu de perdre la nationalité française. Le retrait du décret de naturalisation, souvent collectif, pour cause de vice de procédure en est une autre, mais là encore il s'agit d'un cas assez rare. Autre cas de figure: la perte de nationalité par non usage, ou par «désuétude». Elle s'applique aux membres de familles françaises qui se sont installées à l'étranger depuis plus de 50 ans et qui ne peuvent pas prouver leur nationalité française ou celle de leurs ascendants (les deux conditions étant nécessaires).
Mais la manière la plus courante de perdre la nationalité française reste encore de le demander: une personne voulant devenir citoyen d'un autre pays peut ainsi la perdre «par déclaration expresse». En cas de mariage avec un(e) étranger(e), un(e) Français(e) peut également répudier sa nationalité, «à condition d'avoir acquis la nationalité de son conjoint et que la résidence habituelle du ménage ait été fixée à l'étranger». Une personne ayant volontairement répudié sa nationalité française peut être réintégrée, si elle a «conservé ou acquis avec la France des liens manifestes, notamment d'ordre culturel, professionnel, économique ou familial».
L'explication remercie Maître David Dahan, Avocat à la Cour.