France

Procès Pasqua: Claude Guéant, un témoin pour rien

Temps de lecture : 3 min

Encore un procès auquel le secrétaire général de l'Elysée a été cité en vain.

Fallait pas le convoquer. Mardi 20 avril, Claude Guéant a été entendu par la Cour de justice de la République chargée de juger Charles Pasqua poursuivi pour «corruption passive par dépositaire de l'autorité publique». Le bras droit de Nicolas Sarkozy n'était pas cité sur la base de ses fonctions actuelles - Secrétaire général de l'Elysée - mais pour celles qu'il a occupées en 1993 alors que Charles Pasqua était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Balladur.

Claude Guéant était alors son directeur adjoint de cabinet, et la Cour de justice de la République souhaitait l'entendre sur les conditions d'attribution du casino d'Annemasse (Haute-Savoie). A l'époque, l'agrément pour cet établissement avait déjà été refusé à deux reprises par l'Etat à la société de Robert Feliciaggi, lié à Michel Tomi, gérant du casino de Bandol (Var) et mis en examen pour abus de biens sociaux. A peine Charles Pasqua - qui connaît bien les deux investisseurs - s'installe place Beauvau, et abracadabra, la situation se débloque.

Pour cause, dans le nouveau dossier de demande, apparaît alors une note demandant d'«accélérer» son examen. Note signée d'un certain... Claude Guéant. Acheté 5 millions de francs (762 000 euros) en 1994 par Felicciagi, le casino sera rapidement revendu 105 millions de francs. Un investissement d'une rentabilité rare dont une part aurait pu servir, selon la justice, à financer le parti du Rassemblement pour la France présidé alors par Charles Pasqua.

Audition express

L'audition de Claude Guéant par la cour spéciale composée de magistrats et de parlementaires, était attendue. La déception a été à la hauteur de cette attente. Pourtant cité à la demande du parquet, le haut fonctionnaire est resté moins de quinze minutes à la barre et n'a pas vraiment été bousculé par les questions de la Cour. Reconnaissant avoir agi à l'époque sur demande de Charles Pasqua, Claude Guéant a atténué la portée de la requête de son ancien patron. «Le ministre a fait connaître dans ce dossier ses instructions comme il l'a fait pour d'autres», a-t-il simplement déclaré.

Son face-à-face avec l'avocat général Yves Charpenel restera, quant à lui, dans les annales comme un modèle de concision. «Avez-vous apporté un soin particulier au dossier d'Annemasse? - Non. - Aviez-vous des éléments sur les relations entre MM. Tomi, Felicciagi et le ministre? - Non.» Fin du dialogue. Fermez le ban. Le secrétaire général de l'Elysée, un des hommes les plus puissants du pouvoir sarkozyste, peut quitter les lieux.

Le précédent Yvan Colonna

Claude Guéant est un habitué des prestations éclairs dans les prétoires. A l'automne 2007, il avait déjà douché les espoirs de révélations fracassantes lors d'un autre procès sous haute tension : celui en première instance d'Yvan Colonna pour l'assassinat du préfet Erignac. Il avait été à l'origine d'un coup de théâtre dès la première audience du 12 novembre 2007. La défense du berger corse avait soulevé un «confidentiel» paru dans «Le Point» quatre jours auparavant, selon lequel le secrétaire général de l'Elysée aurait «convoqué» au château quelques semaines avant le procès, l'ancien chef de la division nationale antiterroriste (DNAT), Roger Marion. Lequel Marion avait un temps conduit l'enquête sur l'assassinat du préfet en février 1998. Selon l'hebdomadaire, Guéant aurait alors voulu «s'assurer» que Marion «s'abstiendrait de tout règlement de comptes avec les policiers chargés de l'enquête» lors de sa déposition devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Menaçant de porter plainte pour «subornation de témoin», la défense de Colonna avait été contrainte de battre en retraite une fois Claude Guéant entendu. Cité le 5 décembre, le bras droit du chef de l'Etat avait rapidement déminé le terrain. «Je ne sais pas ce qui a pu inspirer l'auteur de ces lignes. Il arrive à la presse de dire des inexactitudes, voire des contrevérités», avait-il déclaré, reconnaissant avoir reçu «à sa demande» Roger Marion à l'Elysée.

Promis juré, la raison de ce rendez-vous n'avait rien à voir avec le procès Colonna, avait-il assuré. Jugez plutôt: Roger Marion «était ému par des menaces qu'il avait reçues sur la messagerie de son téléphone portable et qu'il considérait comme sérieuses», avait expliqué à la cour Claude Guéant, se souvenant même que le superflic lui avait parlé d'une voix «marquée de l'accent corse». «Il se sent inquiet, il demande à me voir. Le patron que j'ai été ne peut pas ne pas le recevoir», avait conclu l'ancien directeur général de la police nationale, un brin mélodramatique. Roger Marion n'a jamais donné suite pour ces soi-disantes menaces. Et là encore, la cour, qui avait brillé par le faible nombre de ses questions posées au témoin, s'était contentée de cette version a minima.

Bastien Bonnefous

LIRE EGALEMENT: Pasqua le tonton flingueur.

Image de Une: Claude Guéant, Secrétaire général de l'Elysée  Reuters

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