C'est la glace à Dallas.
Une vague de froid et de neige vient de s'abattre sur cet État du sud des États-Unis. Cet événement climatique extrême et inaccoutumé pour la région prend les Texans totalement au dépourvu: en cette saison, les températures hivernales tournent autour de 7°C. Or, en début de semaine, le mercure affichait jusqu'à... -12°C.
Résultat: les Texans, qui n'ont pas l'habitude de porter des doudounes, superposent les couches de vêtements et ressortent les couettes et autres couvertures, et les compagnies d'électricité ont dû se résoudre à imposer des coupures de courant, faute d'avoir les moyens nécessaires pour affronter cette vague de froid. Non qu'il soit impossible de fournir du courant à des températures aussi fraîches: l'Alaska ou le Maine ont l'habitude de se retrouver avec des températures négatives sans que leurs habitants ne risquent les engelures dans leur salon. Mais au Texas, où l'électricité est une affaire privée, personne n'avait su, ou voulu, envisager qu'une telle situation puisse se produire et l'intendance ne suit pas.
Ces coupures d'électricité s'accompagnent de pénurie de gaz naturel et, désormais, de coupures d'eau, au point que les autorités demandent aux Texans de cesser de faire couler leurs robinets au goutte-à-goutte (méthode qui permet d'éviter que les canalisations ne gèlent –dans certains bâtiments, les plafonds se sont écroulés lorsque les canalisations ont gelé) car l'eau est devenue trop précieuse et vient à manquer, elle aussi. Dans certaines zones, quand ils ont la chance d'en avoir encore, il leur est demandé de la faire bouillir avant de la boire car les usines de traitement de l'eau ne fonctionnent plus. On assiste donc à des scènes dignes des pays les plus pauvres, où des Texans font la queue pour obtenir des bidons d'eau nécessaires à leur survie. Plus de douze millions de personnes sont touchés par les coupures d'eau.
Chacun pour sa peau
Le 17 février, le journal U.S. News écrivait: «Des hôpitaux de Houston, la plus grande ville de l'État, et d'ailleurs au Texas ont rapporté ne plus avoir d'eau. Presque deux douzaines de morts ont été attribués à la vague de froid. Les autorités soupçonnent que beaucoup plus de gens soient morts, mais que leurs corps n'aient pas encore été découverts.» Les Texans renouent avec les traditions de leurs ancêtres pionniers qui devaient se débrouiller avec les moyens du bord et font bouillir de la neige pour la boire, voire l'utilisent pour faire fonctionner les toilettes et laver la vaisselle. Mais eux ont la possibilité de se réfugier régulièrement dans leurs voitures pour se réchauffer et recharger leurs téléphones...
Pendant ce temps, dans les grandes exploitations agricoles, le lait des vaches est jeté car il n'est plus possible de le traiter, les animaux sont en danger et des centaines sont déjà morts de froid. Faute de nourriture et d'eau à leur donner (les fabricants d'aliments pour animaux sont également à l'arrêt), des éleveurs craignent d'être obligés d'euthanasier leurs bêtes. Certains veaux ont perdu leurs oreilles, tombées à cause du froid.
Tim Boyd, le maire de Colorado City, une ville de 4.000 habitants dans le centre du Texas, a démissionné après avoir posté sur les réseaux sociaux un message extrêmement exalté où il s'indigne que ses administrés attendent de l'aide des autorités. «Nagez ou coulez, c'est votre choix à vous, s'était-il exclamé. Ni la ville ni le pays [...] ni aucun autre service ne vous doivent rien. [...] J'en ai ras-le-bol que les gens attendent qu'on leur file des putain de coups de main. [...] Seuls les forts survivront et les faibles pariront [sic].» Autant dire que son message a été reçu avec tiédeur par ses administrés.
Pourtant, certains Texans ont trouvé la parade: un des plus connus d'entre eux, le sénateur Ted Cruz, populiste d'extrême droite et célèbre pour sa fidélité à l'ex-président Donald Trump, a été surpris à prendre un avion pour Cancún, station balnéaire mexicaine ensoleillée, au grand dam d'un certain nombre de gens restés les pieds dans la neige et la tête dans le noir.