Précédé par sa réputation de « bulldozer », Richard Holbrooke, envoyé spécial du président Barack Obama pour le Pakistan et l'Afghanistan est attendu avec une certaine inquiétude dans la région. Le conflit afghan, priorité du président américain, ne cesse de s'aggraver et les mesures envisagées par Washington pour tenter de remédier à la situation sont regardées avec suspicion par les pays concernés.
Première étape de la longue tournée -dix jours- de M. Holbrooke, le Pakistan, dont la coopération est indispensable à la stabilité de l'Afghanistan, est à la dérive, et les Etats-Unis y sont plus que jamais détestés.
Prêt à relancer un plan d'aide à Islamabad qui prévoit le versement de 1,5 milliard de dollars par an pendant au moins cinq ans pour le développement socio-économique du pays, Washington entend aussi demander des comptes sur la réelle participation du pays à la lutte contre le terrorisme. Le premier défi pour M. Holbrooke sera toutefois de s'assurer de la coopération entre le gouvernement civil et l'armée qui ne sont pas toujours à l'unisson sur ce thème. L'armée qui estime faire largement sa part dans la lutte contre l'extrémisme réclame d'abord à Washington des moyens accrus et n'entend pas laisser les Etats-Unis dicter la politique du pays, en particulier vis à vis de l'Afghanistan et de l'Inde. M. Holbrooke devra toutefois tenir compte de la fragilité du Pakistan qui affronte en même temps une crise politique avec un gouvernement discrédité aux yeux de l'opinion, une crise économique et sociale qui menace la survie de centaines de milliers d'habitants et une situation sécuritaire qui se dégrade quotidiennement. Alors que les extrémistes ne cessent, en dépit des assurances officielles, de gagner du terrain, M. Holbrooke risque d'avoir du mal à définir des priorités.
La crise couve aussi en Afghanistan.
Devant le désastre qui s'annonce, tous les acteurs de la scène afghane se rejettent la responsabilité de la situation alors que la lassitude se fait sentir à la fois au sein de la communauté internationale et parmi les Afghans qui s'interrogent sur le peu de succès obtenu après sept ans d'occupation. De plus en plus critiqué par la communauté internationale qui soutient le pays à bout de bras, le président Hamid Karzai risque de trouver en Richard Holbrooke un critique sévère et exigeant. Mais, en pleine année électorale, le président n'est pas prêt aux décisions drastiques qu'exige la situation : s'attaquer à la corruption, structurer une administration, mettre fin à l'impunité dont jouissent tous les puissants. Si la bonne gouvernance et le retour de la loi et l'ordre sont les clés d'une amélioration de la situation, celles-ci ne se décrètent pas et M. Holbrooke va devoir manoeuvrer dans un terrain miné, avec des interlocuteurs nombreux ayant des intérêts divergents.
Passage délicat en Inde.
Succès de la diplomatie indienne qui refuse à priori toute perspective d'interférence étrangère dans le problème de l'état du Cachemire qu'elle partage avec le Pakistan, l'Inde a été retirée de la corbeille de M. Holbrooke. M. Holbrooke s'y rendra toutefois, prenant en compte la dimension régionale du problème afghan. Cette étape risque d'être la plus délicate car, à trois mois d'élections générales, les dirigeants indiens ne risquent pas de faire preuve de souplesse vis à vis du Pakistan, premier accusé des attentats de Mumbai en novembre. Pour obtenir la pleine coopération du Pakistan M. Holbrooke doit toutefois pouvoir rassurer les généraux pakistanais. Ceux-ci voient toujours l'Inde comme leur ennemi principal et l'engagement important de l'Inde en Afghanistan n'est pas fait pour les convaincre du contraire.
M. Holbrooke a pris le temps pour cette première visite dans son nouveau rôle d'écouter tous ses interlocuteurs en vue de l'élaboration d'une nouvelle stratégie dans la région. A la vitesse où se détériorent les choses et l'état dans lequel est la région, c'est à une course contre la montre qu'il va devoir se livrer pour avoir quelque chance de succès.
(Photo : des supporters du Jamaat-e-Islami scandent des slogans pour montrer leur solidarité avec les habitants du Cachemire lors d'une manifestation anti-Inde au Karachi, le 5 février 2009. REUTERS/ Athar Hussain) <!-- @page { size: 21cm 29.7cm; margin: 2cm } P { margin-bottom: 0.21cm } -->