Culture

Carey Mulligan relance le débat sur le sexisme des critiques de cinéma

Temps de lecture : 2 min

À l'origine de sa colère, une critique du site Variety, dans laquelle son physique semblait prévaloir sur sa performance.

Carey Mulligan dans «Promising young woman», d'Emerald Fennell. | capture d'écran via Youtube
Carey Mulligan dans «Promising young woman», d'Emerald Fennell. | capture d'écran via Youtube

On ne sait toujours pas quand Promising Young Woman finira par sortir dans les salles françaises, mais c'est peu de dire qu'on l'attend avec impatience. Le premier film réalisé par Emerald Fennell (qui a notamment écrit six épisodes de la série Killing Eve) met en scène Carey Mulligan (Drive, Shame) dans le rôle de Cassie, jeune femme qui décide de se transformer en justicière du consentement. Dans des bars ou des soirées, elle rencontre des hommes, fait semblant d'avoir trop bu, puis règle leur compte à ceux qui se comportent mal avec elle.

Sorti le 25 décembre dernier aux États-Unis, Promising Young Woman a reçu un accueil critique et public plus que favorable, comme en témoignent ses scores reçus sur le site de référence Rotten Tomatoes (une note de 91% de la part de la presse et de 88% de la part des spectateurs et spectatrices). Mais c'est une critique moins enthousiaste qui a fait couler beaucoup d'encre.

Celle-ci est l'œuvre de Dennis Harvey, critique travaillant pour le magazine Variety depuis —semble-t-il— la nuit des temps, et date du 26 janvier 2020, quelques heures après la présentation du film lors du festival de Sundance. Voilà ce qu'on pouvait notamment y lire:

«Mulligan, une bonne actrice, est un choix bizarre pour le rôle de cette apparente femme fatale. Margot Robbie produit le film, et on peut (trop) facilement imaginer que le rôle a été écrit pour elle. Alors qu'avec Mulligan, Cassie ressemble à une vague traînée; même ses longs cheveux blonds ressemblent à un canular.»

Plus loin, le critique loue en revanche la prestation de Mulligan, qu'il qualifie de «habile, divertissante et stimulante».

La colère de Carey Mulligan

Cette semaine, l'actrice a profité d'une série de vidéos tournées avec Variety pour revenir sur les propos de Dennis Harvey, qu'elle juge déplacés et hors de propos: «Il est important que la critique soit constructive, (...) qu'on s'intéresse à l'art, à la performance, mais pas à l'apparence des interprètes, ni à votre préférence personnelle quant au physique des acteurs et actrices.»

Carey Mulligan avait déjà soulevé le problème en décembre, lors d'une interview accordée au New York Times pour la sortie du film. Variety avait alors édité la critique de Dennis Harvey pour y ajouter un post-scriptum: «Variety présente ses excuses sincères à Carey Mulligan et regrette le manque de sensibilité et les insinuations de notre critique de Promising Young Woman, qui minimisait sa performance audacieuse.» Le texte de la critique n'a pas été modifié.

Le débat fait rage, et le Guardian y consacre un certain nombre d'articles cette semaine. Fallait-il que Variety s'excuse pour cela? N'est-il pas un peu hypocrite d'avoir laissé publier ce texte tel quel avant de «jeter Dennis Harvey sous un bus», pour reprendre les mots d'un autre critique? Quelles sont les choses qu'un journaliste ciné devrait réellement éviter d'écrire? Y a-t-il un problème de représentativité dans la critique ciné qui explique que les actrices ou les interprètes racisé·es fassent souvent l'objet de commentaires déplacés?

Carey Mulligan a en tout cas reconnu que la critique en question l'avait blessée, ajoutant que les excuses de Variety l'avaient en revanche «surprise, ravie, réjouie». Interrogé dans un autre article, Dennis Harvey, affirme ne pas comprendre la colère de l'actrice: «Je n'ai jamais dit, ni même insinué, que Carey Mulligan n'était "pas assez hot" pour le rôle. Je suis un homme gay de 60 ans. Je n'ai pas l'habitude de comparer le sex appeal des actrices».

La journaliste Catherine Shoard, qui a interrogé le critique, ne semble pas convaincue par ses explications. Elle explique que la critique cinématographique n'a toujours pas suffisamment évolué en matière de regard ou de représentation, et qu'il est temps que les choses changent réellement. Pour Peter Bradshaw, le critique numéro 1 du Guardian, les excuses de Variety semblent néanmoins montrer que «la tour d'ivoire de la critique cinéma est en train de vaciller». Ou en tout cas de frémir très légèrement.

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