Santé

Un reconfinement nous permettrait de retrouver nos libertés d'ici à l'été

Temps de lecture : 6 min

À défaut de pouvoir mener une campagne de vaccination rapide et généralisée, la France se retrouve dans une situation où seul un confinement permettrait de sortir de la politique de «stop and go».

Faut-il reconfiner? La question est sur toutes les lèvres. | Marina Khrapova via Unsplash
Faut-il reconfiner? La question est sur toutes les lèvres. | Marina Khrapova via Unsplash

Confinera? Confinera pas? Confinera peut-être à condition que…? Entre rumeurs, injonctions des scientifiques et articles au conditionnel, la question est sur toutes les bouches des Français, nerveusement épuisés par des restrictions de leurs libertés.

Aujourd'hui, la situation épidémique en France est loin d'être la même qu'en mars 2020 et si un confinement se dessine, c'est qu'un changement de paradigme semble s'opérer et que deux nouveaux acteurs sont entrés en jeu: les différents variants repérés aux quatre coins de la planète, notamment le variant dit britannique (B.1.1.7), et le lancement de la campagne de vaccination des personnes les plus fragiles.

Parlons d'abord de ces variants. De toute évidence, ils font peur. C'est légitime. Pour autant, peut-on parler, comme le Pr Jean-François Delfraissy, de «deuxième pandémie»? Sans doute pas. La situation est grave, certes, mais pas désespérée et céder à l'alarmisme serait s'égarer dans de fausses pistes et augmenterait la défiance envers les mesures sanitaires décidées.

Faiblesses du variant

Un virus à ARN simple brin comme le SARS-CoV-2 est naturellement sujet à des mutations. Le génome du SARS-CoV-2 est le plus long virus humain à ARN en nombre de bases (30.000). C'est pourquoi il n'est pas étonnant qu'il ait muté plusieurs fois –on parle de «variant» dès lors que le virus mute davantage que d'habitude (23 mutations pour le B.1.1.7).

Certaines de ces mutations portent sur la protéine Spike qui permet de se fixer aux cellules humaines et peuvent potentiellement entraîner un échappement au système immunitaire ou des propriétés différentes associées à une transmission accrue par exemple, voire une virulence plus forte.

Mais le pouvoir mutagène du SARS-CoV-2 est relativement faible par rapport au virus de la grippe. Depuis son apparition à Wuhan, on n'a pas vu apparaître de nouveau sérotype, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul diagnostic sérologique pour tous les mutants existants.

À l'heure actuelle, on a séquencé des variants au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, au Brésil ou en Californie. Rien ne nous dit toutefois qu'ils ont émergé dans ces zones: ce sont simplement des endroits où l'on séquence davantage le génome du virus.

La situation en France est tendue mais pas encore dramatique.

Dès lors qu'un variant est repéré, la démarche repose sur un certain empirisme. Certains variants deviennent majoritaires et on aura tendance à leur attribuer tous les changements épidémiologiques qui vont survenir (augmentation de la transmission, de la mortalité, pic, etc.). Or, le rôle causal de la variation est souvent difficile à démontrer et on pourra potentiellement omettre d'autres facteurs: mesures sanitaires en vigueur, âge et facteurs de risque des personnes touchées, cas asymptomatiques, climat, pollution atmosphérique, conditions de transmission…

Aujourd'hui, nous avons un peu plus de recul sur le variant B.1.1.7. Et, même si nous sommes encore dans les hypothèses, on peut avancer qu'il est probable qu'il soit, tel qu'il est observé sur le sol britannique, plus contagieux (mais plutôt de l'ordre de +35% et non de +70% comme initialement annoncé) et plus mortel (1,36 fois) que le virus originel.

Ces résultats sont tout frais puisqu'ils ont moins d'une semaine, mais ils doivent évidemment amener à une certaine vigilance, même si la situation en France est tendue mais pas encore dramatique. En effet, qui dit contagiosité accrue, dit augmentation du R effectif et difficultés supplémentaires pour le faire descendre. Cela suppose aussi –que la mortalité soit plus importante ou non– une hausse des cas graves et donc des hospitalisations.

Vaccination et fermeture des écoles, deux nouveautés

Idéalement, dès décembre, nous aurions dû mettre en place un certain nombre de mesures pour contenir le virus. Celles proposées par le collectif Contain Covid nous semblent particulièrement opportunes, du moins l'auraient-elles été il y a un mois.

Anticiper et prévenir, organiser l'école à domicile, promouvoir la stratégie des petites bulles sociales pour éviter le brassage, soutenir socialement et économiquement les personnes atteintes du Covid pour qu'elles restent confinées, ou améliorer la protection des personnes fragiles, sont autant de mesures qui nécessitent une organisation en amont et qui pourraient permettre d'éviter un confinement. Force est de reconnaître que cela n'a pas été fait par un gouvernement qui a mis en place un couvre-feu contraignant mais dont l'efficacité n'est pas certaine ou pas suffisante.

Si l'on veut pouvoir sortir de ces «stop and go» usants, la vaccination est absolument essentielle.

La «bonne nouvelle» en revanche est que des mesures strictes telles qu'un confinement avec fermeture des écoles semblent efficaces pour contenir le variant B.1.1.7 et faire diminuer le nombre de cas sur le sol britannique, irlandais ou danois. Au Danemark, où désormais 70% des souches circulantes sont le nouveau variant B.1.1.7, la courbe épidémiologique de nouveaux cas est presque redescendue dans sa zone de sécurité.

L'autre nouveauté par rapport à mars 2020, c'est bien sûr la vaccination. Aujourd'hui, si l'on veut pouvoir sortir de ces «stop and go» usants, elle est absolument essentielle. Mais elle ne peut se faire sans le personnel soignant. Cela signifie que l'on ne doit pas subir de plein fouet une troisième vague, occupant nos soignants auprès des malades, si l'on veut réussir une campagne de vaccination la plus efficace et rapide que possible.

Ces deux nouveautés nous invitent à repenser le rôle du confinement. Jusqu'alors en France, nous avons, comme nos voisins européens, adopté une stratégie du «vivre avec», c'est-à-dire que nous avons laissé le virus circuler en promouvant les mesures barrières et en ne confinant que lorsque le nombre de malades du Covid était sur le point de submerger le système de santé.

Lorsque le Premier ministre britannique a annoncé un reconfinement strict du Royaume-Uni le 4 janvier dernier, ce fut après quatre semaines durant lesquelles la valeur de R est restée au-dessus de la valeur 1 de manière ininterrompue, entraînant une courbe de croissance exponentielle incontrôlée du nombre de nouveaux cas et d'hospitalisations. Le National Health Service (NHS) avait alors prévenu que le système de santé britannique ne tiendrait pas trois semaines de plus à ce rythme-là. La stratégie européenne obéissait à une forme de riposte graduée, en somme: on confine quand on est au pied du mur et qu'il n'y a pas d'autre option.

Elle s'oppose aux politiques «zéro Covid» mises en place en Asie et dans le Pacifique et dont l'objectif est de stopper toute circulation du virus par des confinements stricts très précoces.

Deux portes de sortie

Aujourd'hui, deux voies semblent s'offrir à nous: soit vacciner vite et bien la majeure partie de la population (ce qui apparaît aujourd'hui intenable sans augmentation substantielle de la capacité de production compte tenu de la tension d'approvisionnement sur les doses), soit tendre vers une approche «zéro Covid» et continuer la vaccination au rythme actuel.

Le risque du «vivre avec», en France, alors que nous avons aujourd'hui 25.000 nouveaux cas par jour, c'est de faire le lit d'une forte épidémie estivale «à l'américaine», et de voir le profil du Covid-19 se transformer avec une morbidité sévère (passages en réanimation) et une mortalité élevée chez les moins de 65 ans, non vaccinés.

Confiner les personnes âgées permettrait de les protéger, mais cela n'aurait aucune efficacité sur la propagation.

La proposition consistant à ne confiner que les personnes âgées et/ou à risque de développer des formes graves n'est pas convaincante: non seulement sa dimension éthique divise, son efficacité aussi; les personnes âgées ne sont pas à l'origine des super clusters et de la propagation du Covid.

Certes, confiner les personnes âgées permettrait de les protéger, mais cela n'aurait aucune efficacité sur la propagation. Celle-ci risque au contraire de galoper et de se retourner en boomerang sur les personnes plus jeunes qui ne vont pas se sentir concernées par les mesures prises pour confiner. C'est donc une proposition qui peut s'avérer contre-productive et dangereuse. Il faut réaliser que même si la létalité du virus est proche de 1 pour 1.000 dans les segments plus jeunes de la population, une vague touchant 40% de la moitié de la population française (soit environ 15 millions de personnes) causerait près de 15.000 décès, presque totalement évitables.

Alors, faut-il aujourd'hui confiner alors que la situation épidémiologique est plutôt à la détente dans presque toute l'Europe? C'est difficile à soutenir et peut-être à accepter pour une population fatiguée, lassée et un peu perdue. De nombreux scientifiques pressent le gouvernement à frapper vite et fort et cesser de reculer pour mieux sauter. Reste que dans la période de plateau dans laquelle nous sommes et dans l'incertitude concernant les prochaines semaines, cette mesure risque d'être difficilement acceptée par des Français usés par les restrictions.

La dernière décision de confinement fut prise alors que le nombre de nouveaux cas était de 50.000 par jour et que nous en sommes à moins de 20.000 aujourd'hui. Sommes-nous prêts à rester chez nous pour retrouver nos libertés d'ici l'été, ou l'automne au plus tard, ou préférons-nous vivre au rythme des ripostes graduées, de reconfinements en déconfinements, de «stop and go»? C'est toute la question qui se pose aujourd'hui.

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