«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected]
Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.
Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.
Chère Lucile,
J'ai 35 ans. J'ai eu plusieurs longues relations conflictuelles de dix ans, quatre ans puis trois ans. J'ai de gros soucis relationnels en amour, de la difficulté à faire confiance, une peur de l'abandon et de l'engagement. Je passe donc par des phases de rejet, d'agressivité puis de soumission et de supplication.
Je ne connais pas mes limites, je ne sais pas ce qui me fait du bien. Je sais que je pousse l'autre à bout jusqu'au rejet. Rejet qu'ensuite je n'accepte pas. Je confonds amour apaisé et passion destructrice. J'ai très honte de mes comportements. J'ai une clairvoyance sur mes mécanismes. J'ai été suivie par différents psys mais ces mécanismes sont plus forts que moi et se réactivent à chaque rencontre.
Mes dernières relations se sont faites à distance ou en sexfriend. Je suis en manque affectif et de soutien. Ça fait quelques années que j'avance seule et j'ai très envie de construire un lien d'intimité profond. Je me suis même retrouvée dans une courte histoire de triangle amoureux perdue d'avance. Je me blesse de plus en plus. Je me jette de plus en plus dans des histoires qui ne mènent à rien.
Quand quelqu'un me plaît, je n'arrive plus à dépasser le stade du flirt sexuel, j'ai peur, j'angoisse et en même temps, j'en demande trop. Mes histoires sont de plus en plus courtes et de moins en moins engageantes et gratifiantes. Je n'arrive pas à sortir de cette spirale.
Je n'arrive plus à savoir ce qu'est le début d'une relation saine. Je veux de tout cœur créer une relation de confiance mais je suis méfiante et angoissée. Je projette dès le départ la perte et ne m'engage que si la personne me fuit. Dès qu'il y a rapprochement, j'ai envie de fuir et en même temps je m'accroche. Cela crée une tension interne très désagréable.
J'ai conscience que j'ai certainement un problème avec l'intimité, non pas physique mais l'intimité de partager sa vie intérieure. C'est peut-être plus simple pour moi aussi de fantasmer que de vivre une histoire dans sa réalité.
Avec toutes mes difficultés relationnelles, j'imagine qu'il faudrait que j'en parle à la rencontre. Mais comment le faire sans faire fuir. Comment expliquer à quelqu'un que je vais le rejeter et que si, à son tour, il ne me rejette pas, je ne l'aimerais probablement pas. Je joue au fuis-moi je te suis. Je déteste cette maxime qui ne correspond pas du tout à ma vision de l'amour mais je la mets en place malgré moi.
Je n'ai aucun souci en amitié. D'ailleurs je garde avec la plupart de mes ex des relations assez proches, apaisées et un soutien mutuel. Je suis à l'aise dans ce contexte. Et pour eux, c'est beaucoup plus agréable de me côtoyer sous cette forme amicale de relation où je me retrouve authentique, ouverte sur l'autre, sympathique et joyeuse.
J'aimerais m'autoriser à m'apaiser. M'autoriser à accéder à la tendresse, la confiance et à l'amour. J'aimerais laisser quelqu'un m'approcher sans mordre à la seconde même où il tente de le faire. Je veux sortir de ces relations dramatiques et conflictuelles. J'aimerais réussir à donner de l'amour et non de la colère lorsque celle-ci m'est proposée. J'ai l'impression d'assimiler l'amour au rejet. J'ai l'impression que lorsque l'on me donne de l'amour, cela me brûle la peau.
Dinah
Chère Dinah,
Je crois que vous savez déjà que votre problème ne peut pas se résoudre avec l'amour de quelqu'un d'autre mais bien d'abord avec la mise en place d'une relation apaisée avec vous-même. Ce rejet de l'autre et de la relation amoureuse apaisée pourrait relever de la théorie de l'attachement. Il se cache probablement dans votre passé, peut-être lointain, une raison, un souvenir, qui vous empêche de croire que vous avez le droit d'aimer et d'être aimée.
Vous dites avoir essayé de voir différents thérapeutes mais avez-vous essayé différentes approches, différentes méthodes? L'EMDR, par exemple, fait des miracles sur les souvenirs traumatiques. La thérapie cognitive et comportementale pourrait aussi être une aide.
Je crois que vous savez mettre des mots sur les symptômes actuels de votre problème mais que vous ignorez de manière consciente les raisons profondes de cette souffrance ainsi que la bonne manière d'y remédier. Il est important que vous ne lâchiez pas l'affaire, que vous exploriez différentes approches avec différents thérapeutes pour vous permettre de vivre par la suite une vie plus épanouie.
La clé de tout ça est en vous. La ou les raisons, la réponse qu'a choisie votre esprit pour vous protéger et même la guérison sont tout à fait entre vos mains. Vous avez juste besoin de trouver la personne pour vous accompagner dans cette guérison, une personne qui détiendra les bonnes armes pour vous aider au mieux. C'est déjà une quête en soi. Et c'est votre mission à vous.
En parallèle de ça, chérissez les amitiés qui comptent. Elles sont la preuve, au quotidien, que vous savez en réalité très bien aimer et être aimée. Parce que l'amitié c'est aussi de l'amour. Vous avez juste développé avec les années un blocage sur l'amour romantique. Mais le reste de votre vie est là pour vous prouver que c'est juste une défense, pas un handicap définitif.
Je veux vous dire aussi que le processus de guérison sera probablement douloureux. C'est souvent le cas quand on fouille dans son passé pour y retirer une épine qui blesse encore des années après. Il faut du courage pour affronter tout ça. Il en faut aussi pour se dire: je peux être heureuse et je vais l'être.
Même si ça n'a pas la même valeur, je veux commencer ce travail avec vous: vous pouvez être heureuse et amoureuse et vous allez l'être. À l'issue de cette quête et bien accompagnée, vous aurez toutes les cartes en main pour aimer et être aimée.
«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes: