Dans sa croisade contre le crime organisé, le gouvernement mexicain emploie tous les moyens. Après une campagne d'un an pour que les utilisateurs de téléphones portables déclarent leurs données personnelles, il s'apprête à couper la ligne des 10millions d'usagers qui «ont contrevenu à la loi».
La campagne très controversée pour constituer le «registre national d'utilisateurs de téléphonie mobile»(Renaut) a débuté le 10 avril dernier et consistait pour les usagers à donner aux opérateurs de téléphonie une pléiade de données personnelles telles que le nom, le domicile ou leur empreinte digitale. La dead-line pour l'inscription des 85millions abonnés était officiellement fixée au 10 avril, mais la commission fédérale des communications(Cofetel) annonçait dans un communiqué que les utilisateurs pouvaient encore envoyer une demande par SMS pour maintenir leur ligne. Selon les derniers chiffres de la Cofetel, une fois que les dernières demandes seront enregistrées, 85,3% du total des utilisateurs auront effectué une démarche pour se déclarer.
L'important étant, semble-t-il pour le gouvernement de Felipe Calderon que les usagers fassent simplement la démarche. Dans une interview accordée au quotidien mexicain Milenio, le président de la Cofetel, Hector Osuna, est entre la menace et l'exhortation:
La loi pointe déjà ceux qui n'essaient pas de se déclarer, ou qui ne veulent pas le faire, comme étant hors la loi et nous allons faire en sorte qu'ils soient déconnectés.
Par décret, les «opérateurs ont l'obligation de suspendre immédiatement les lignes de téléphones portables qui ne seraient pas identifiées ou déclarées par les clients». Une mesure drastique que le gouvernement peine à appliquer -si tel en était réellement le but -comme le rapporte le Guardian, dans un article publié le 13 avril :
Certains utilisateurs de téléphones portables refusent d'envoyer le SMS requis avec les informations personnelles car ils y voient une atteinte à leurs libertés civiles. (...) D'autres pointent que les criminels pourront facilement contourner les nouveaux contrôles, en utilisant des téléphones volés ou déclarant le leur sous différentes identités.
Remis en cause également: l'intêret de la mesure pour lutter contre le crime organisé. El Universal rapporte les conclusions rendues par le conseil citoyen de sécurité publique de la région de Mexico:
L'application du Renaut, dans son objectif premier qui est le combat contre le délit ne pourra être une réalité à court terme car il requiert un processus de tri, validation de l'information. Il faudra ensuite obtenir plus de coordonnées si elles doivent ensuite être utilisées lors de procédures ou jugements.
[Lire l'article du Guardian ici, celui de Milenio là et celui de El Universal ici]
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Photo: Portables/a.drian, via Flickr CC License by