Dans le flot continu de sorties séries, on a parfois du mal à faire le tri. En plus, on ne sait pas pourquoi, mais cette année, on était un peu distraits… Bref, si vous vous demandez ce qui est passé entre les mailles de vos filets de sériephile ces derniers mois, on est là pour vous.
«Warrior» (OCS)
C'était le rêve de Bruce Lee: une série d'arts martiaux située dans l'univers des westerns américains. Après avoir pitché son idée à la Warner dans les années 1970, l'artiste martial légendaire se voit refuser le rôle principal à cause de sa couleur de peau et de son accent, et son idée est recyclée sans qu'il ne soit crédité.
Près d'un demi-siècle plus tard, la fille de Bruce Lee retrouve les notes de son père, et c'est ainsi que naît Warrior. Produite par Justin Lin (connu pour la saga Fast & Furious), la série situe son action pendant la guerre des tongs à San Francisco, à la fin du XIXe siècle. Presque entièrement focalisée sur la communauté chinoise de la ville, Warrior nous plonge dans des guerres de mafia captivantes, où les femmes bastonnent autant que les hommes. Les séquences de combat sont impressionnantes et impeccablement mises en scène, facilitées par un acteur principal, Andrew Koji, qui réalise ses propres cascades. Quelques épisodes cultes comme «Le Sang» et «La Merde», hommage au genre du western, ainsi qu'un soupçon de tension sexuelle viennent compléter ce cocktail féroce et ultra divertissant.
«Parlement» (France TV)
Une série française drôle, bien écrite et très bien interprétée? Grâce à Parlement, cet enchaînement de mots n'est plus un oxymore. Comédie sur un jeune assistant parlementaire européen fraîchement débarqué à Bruxelles, cette production de FranceTV s'amuse des absurdités bureaucratiques européennes à travers le regard ébahi de l'excellent Xavier Lacaille, qui brille ici dans le rôle de Samy.
On sent l'influence de The Office dans l'écriture, qui s'amuse de la médiocrité et de l'absurdité de ses personnages, mais aussi dans le jeu des acteurs, un ensemble européen bien plus naturel que ce qu'on a l'habitude de voir à la télé française. Ajoutez à ça une tension romantique réussie entre Samy et une assistante parlementaire anglaise, et vous obtenez l'une des meilleures séries comiques de 2020.
«The Virtues» (Arte)
Shane Meadows, réalisateur du superbe This Is England, a vraiment le don pour nous briser le cœur en mille morceaux. Dans cette mini-série en partie autobiographique, le cinéaste expie un démon qu'il a mis plusieurs décennies à regarder en face: des sévices sexuels subis alors qu'il était un jeune garçon, et longtemps refoulés.
Le cinéaste raconte ici l'histoire de Joseph, un Irlandais qui rechute dans l'alcoolisme lorsque son ex-femme et son fils déménagent à l'autre bout du monde. Déboussolé, l'homme décide de se reconnecter à ses racines et part en Irlande retrouver sa sœur perdue de vue. Une fois là-bas, il doit aussi affronter un passé d'une douleur inconcevable. Tout cela paraît bien morne, mais rassurez-vous: The Virtues est une sublime histoire de reconstruction, d'espoir et de pardon. Le tout porté par un Stephen Graham (Boardwalk Empire, Gangs of New York) au sommet de sa forme et à contre-emploi dans le rôle principal.
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«Servant» (Apple TV+)
Un conseil: ne lisez rien sur l'intrigue de cette série horrifique avant de vous lancer. Sachez juste que ça parle d'un couple riche et un peu agaçant, qui vient d'embaucher une nounou pour s'occuper de leur nourrisson. Créée et écrite par Tony Basgallop, Servant est produite et en partie réalisée par M. Night Shyamalan, grand-prince du twist qui nous a offert (entre autres) Le Sixième Sens.
Alors forcément, chaque épisode amène son lot de surprises, de rebondissements et de «hein????» bien sentis. Dans une atmosphère figée et glaciale à quasi huis-clos, Servant laisse monter la tension lentement, jusqu'à un pénultième épisode magistral qui tord le bide. En plus de son écriture ciselée, la série bénéficie aussi de la performance remarquable de Lauren Ambrose (Six Feet Under), dans le rôle d'une jeune mère profondément dérangée. Servant a déjà été renouvelée pour deux saisons supplémentaires, donc vous savez ce qu'il vous reste à faire.
«Away» (Netflix)
C'est un des grands paradoxes de la Peak TV: parmi les séries annulées trop tôt cette année, on trouve cette excellente production Netflix à gros budget dans laquelle Hilary Swank incarne une astronaute qui part en expédition pour Mars. Accompagnée de quatre spécialistes internationaux, Emma Green embarque à bord de la fusée Atlas, pour un séjour vers la planète rouge qui, au mieux, durera plusieurs années, et au pire, la tuera. Derrière elle, elle laisse son mari et sa fille adolescente, qui doivent s'adapter à leur nouvelle réalité sans elle.
Jason Katims, dont la fibre sensible nous faisait déjà pleurer dans Friday Nights Lights et Parenthood, produit la série et en signe un des épisodes. C'est donc sans surprise qu'on dévore l'unique saison à toute vitesse, et qu'on se laisse prendre à plusieurs reprises par l'émotion de cette production bien huilée. Et quand on n'est pas trop occupés à pleurer toutes les larmes de notre corps, on se laisse émerveiller par un duo d'acteurs (Hilary Swank et Josh Charles) parfaitement en maîtrise de leur art.
«Ted Lasso» (Apple TV+)
Quand on a vu qu'Apple TV+ sortait une comédie sur un club de foot anglais, on ne s'est pas forcément rué devant nos écrans. C'était une erreur, puisque Ted Lasso est l'une des meilleures séries de 2020. Pleine de générosité et de tendresse, elle raconte l'arrivée d'un entraîneur de football américain à Londres, où il doit coacher une équipe de football anglais. Certes, il ne connaît absolument rien à ce sport mais ça ne l'empêche pas d'afficher un enthousiasme très communicatif et de vite conquérir les cœurs de ses nouveaux joueurs.
Jason Sudeikis est savoureux dans le rôle principal, et parvient à nous convaincre de la sincérité de Ted sans jamais le faire passer pour naïf ou stupide. En plus de nous donner du baume au cœur, la série est très bien écrite et remplie de répliques hilarantes. Elle a été renouvelée pour une saison 2, donc les aventures de Ted devraient continuer de nous réjouir un peu plus longtemps.
«P-Valley» (Starzplay)
Si on faisait un diagramme de Venn entre les séries hautement divertissantes et les séries extrêmement intelligentes, P-Valley se trouverait pile au milieu. Créé par la dramaturge Katori Hall, ce programme suit le quotidien des employé·es d'un petit club de strip-tease du Mississippi, le Pynk.
Loin des clichés habituels, la série déconstruit l'image des strip-teaseuses en nous montrant l'envers du décor et le labeur intense requis pour se hisser dans les airs comme elles le font. Mais le plus grand atout de la série, c'est sa galerie de personnages attachants et superbement incarnés; de Mercedes, la star du club qui allie grande gueule et grand cœur, à Uncle Clifford, patron·ne non-binaire du club, en passant par Autumn, la nouvelle recrue qui cache un passé douloureux.
«The Comey Rule» (Canal +)
Si vous en avez marre des séries de quatre saisons, The Comey Rule devrait vous plaire. En quatre épisodes seulement, cette production américaine retrace les affaires qui ont entouré les dernières années de James Comey à la tête du FBI et l'arrivée de Donald Trump au pouvoir –des emails d'Hillary Clinton, aux ingérences russes dans les élections américaines. Le casting est en or massif, avec, entre autres, Jeff Daniels dans le rôle principal, Brendan Gleeson dans celui de Trump, et Holly Hunter dans celui de Sally Yates.
La série s'attaque à une histoire tellement récente qu'on a parfois l'impression de regarder un docu-fiction, mais ça fonctionne du début à la fin. Bref, c'est la série parfaite pour se replonger dans le chaos du début des années Trump avant qu'il ne quitte la Maison Blanche en janvier.
«Homecoming» (Amazon Prime Video)
On avait déjà été intrigué par la première saison de ce thriller complotiste et stylisé à l'extrême, sur un établissement un peu louche dont le but officiel est de soigner des vétérans américains. Mais la saison 2 a dépassé nos attentes, notamment grâce à l'arrivée d'un nouveau personnage féminin intriguant incarné par la fabuleuse Janelle Monáe.
Au début de cette nouvelle saison, la femme en question se réveille dans une barque au milieu d'un lac, sans savoir ce qu'il lui est arrivé, ni qui elle est. Les épisodes impeccablement structurés nous permettent alors de reconstituer l'intrigue comme un puzzle, jusqu'au final exaltant. Avec en bonus, spoiler, une histoire d'amour lesbienne qu'on n'avait pas du tout vue venir.
«Ramy» (Starzplay)
On avait déjà adoré la première saison de cette comédie dramatique américaine sur un jeune musulman du New Jersey qui tente de réconcilier sa foi et son quotidien de millenial un peu paumé, et le deuxième volet, plus sombre, continue de séduire. L'excellent, et doublement oscarisé, Mahershala Ali rejoint ici le casting dans le rôle d'un Sheikh profondément intègre qui sert de guide spirituel à Ramy.
Le charisme de l'acteur de Moonlight crève une fois de plus l'écran et suffirait à nous convaincre de regarder dix saisons de la série. Mais ce sont aussi dans les épisodes où Ramy s'intéresse aux personnages secondaires, la mère ou l'oncle du héros, par exemple, que la série brille particulièrement et vaut sa place parmi les meilleures découvertes de ces dernières années.