Dans la nuit de samedi à dimanche, le camp de réfugiés syriens de Bhannine, dans la région de Minieh, au nord du Liban, a été incendié. Les soixante-quinze familles qui y habitaient ont dû évacuer la zone en urgence, tandis que le feu se propageait rapidement à travers les abris, faits de bâches en plastique et de bois.
Salaires impayés, abris calcinés
De nature criminelle, l'incendie a été déclenché après une altercation ayant opposé des travailleurs syriens à une famille libanaise locale. Une source de la sécurité libanaise a déclaré à l'AFP que les travailleurs auraient exigé leur salaire mais que leurs employeurs auraient refusé de les payer. Des coups de feu ont été entendus. Par la suite, des jeunes libanais de la famille des employeurs auraient mis le feu à certaines tentes des réfugiés, rapporte l'Agence Nationale de l'Information libanaise (NNA).
هذه المشاهد لاحراق الخيام في المنية مخزية ومستفزة وعلى القوى الامنية محاسبة الفاعلين فورا .. اوقفوا دومينو الكراهية، الامور لا تُعالج بتبادل اطلاق النار وباحراقٍ مقزز لخيام اللاجئين !! pic.twitter.com/E8oG6u344y
— Salman Andary (@salmanonline) December 26, 2020
«Ces scènes de tentes incendiées à Minieh sont honteuses et provocantes, et les forces de sécurité doivent immédiatement en tenir les auteurs responsables. Arrêtez le domino de la haine, les choses ne se règlent pas avec des échanges de tirs et des incendies infâmes de tentes de réfugiés!!» | Salman Andary, journaliste pour Sky News Arabia.
«Certaines familles ont fui la zone par peur car il y avait aussi des bruits de détonation provoqués par l'explosion de bombonnes de gaz domestique», a déclaré le porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Liban (UNHCR), Khaled Kabbara.
Au moins trois personnes blessées ont été emmenées à l'hôpital. Les forces de Défense Civile libanaises ont été dépêchées sur place pour contrôler l'incendie, tandis que l'armée et la police ont été envoyées pour surveiller la situation.
Des membres de la société civile se sont mobilisés au milieu de la nuit pour offrir un gîte aux familles syriennes. Des bus ont notamment été acheminés vers une école dans le Akkar, un peu plus au nord. Au bout petit matin, le camp était complètement rasé. Plusieurs réfugiés sont revenus sur place pour constater les dégâts et tâcher de récupérer quelques affaires, carbonisées.
Depuis, le Fonds de Zakât pour Réfugiés, rattaché au HCR, a annoncé mettre en place un soutien matériel aux familles affectées. Le Parti social-nationaliste syrien (PSNS) a également condamné cette attaque et offert son aide, proposant des logements d'appoint aux familles déplacées en mobilisant ses bureaux et les foyers de ses sympathisants.
Au moins soixante-quinze familles syriennes ont perdu leur logement. | Ibrahim Chalhoub / AFP
En début d'après-midi, l'armée libanaise a annoncé l'arrestation de deux Libanais et de six Syriens potentiellement impliqués dans la rixe ayant mené à l'incendie.
L'impossible retour syrien
Depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, le Liban a accueilli plus d'1,5 million de réfugiés syriens. La situation économique catastrophique que connait le pays du cèdre depuis la révolution de 2019 et l'explosion du port de Beyrouth en août a encore amplifié le fort ressentiment antisyrien, qui a donné lieu à de nombreux sursauts de violence récemment.
En novembre, c'est près de 270 familles de réfugiés syriens qui devaient fuir le village de Bcharré, dans la Qadisha, au nord du Liban, après qu'un ouvrier syrien a été accusé d'avoir abattu un Libanais. Plusieurs maisons appartenant à des syriens avaient été incendiées dans la foulée, et des manifestants avaient réclamé qu'on leur remette le coupable présumé, pendant que le maire de Bcharré, Freddy Keyrouz, réclamait des perquisitions dans tous les domiciles syriens afin de trouver des armes.
Depuis plus d'un an, le gouvernement libanais, s'appuyant sur les déclarations mensongères du président syrien Bachar el-Assad, fait pression pour que les Syriens rentrent dans leur pays. La Syrie, toujours déchirée par la guerre et sujette aux bombardements étrangers et aux exactions du régime en place, est pourtant bien loin encore d'offrir à ses ressortissants une terre de retour sûre.