Société

Et un vaccin contre l'antisémitisme, c'est pour quand?

Temps de lecture : 3 min

[BLOG You Will Never Hate Alone] Lors de la cérémonie du concours Miss France 2021, la candidate April Benayoum a été la cible d'injures antisémites sur Twitter. En fus-je surpris? Hélas non.

April Benayoum, Miss Provence, ce 19 décembre. | Loic Venance / AFP
April Benayoum, Miss Provence, ce 19 décembre. | Loic Venance / AFP

Ayant encore deux sous de raison, je n'ai évidemment pas regardé le concours des Miss France, ce sommet d'imbécilité qui ferait passer Intervilles pour un jeu hautement intellectuel. C'est donc le lendemain que j'ai appris la consternante mésaventure arrivée à April Benayoum, innocente victime d'injures antisémites. En fus-je surpris? Hélas non. Avec un nom pareil, il fallait forcément s'y attendre. Moi-même, dans ma prime jeunesse, quand je me suis présenté au concours de Mister Univers, j'ai été la cible d'attaques qui visaient tout autant ma calvitie naissante que mon patronyme barbare, tir de barrage qui me valut d'être exclu du podium.

M'eût-elle demandé conseil au moment de présenter sa candidature que je lui aurais conseillé de rester bien sagement chez elle. Ou de changer de nom. Ou de prétendre qu'elle était orpheline. Tout sauf d'affirmer que son père était d'origine israélienne. Quelle folie! Quelle imprudence! Et quelle provocation aussi. Quand on a le malheur d'avoir un père né dans un pays connu pour pratiquer une politique digne des plus belles heures du Troisième Reich voire même du Quatrième, si ce n'est du Cinquième, on le cache au lieu de l'exhiber de la sorte.

D'ailleurs, depuis quand présente-t-on des jeunes filles juives au concours de Miss France? Je pensais la compétition réservée aux Françaises de souche pas aux produits d'importation. Où va-t-on si, désormais, on prend le risque d'avoir comme candidate des demoiselles qui ne sont pas françaises sur au moins cinq générations? À ce rythme-là, vous verrez, un jour, on se retrouvera avec une Pakistanaise déguisée en Marianne. Une honte nationale.

Samedi soir, l'un de ses aimables détracteurs s'est fendu d'un tweet rageur dont je retranscris ici le verbatim: «Tonton Hitler ta oublié d'exterminer Miss Provence.» On notera avant tout la qualité littéraire de la répartie avec cette élégiaque adresse au plus admirable des Allemands, j'ai nommé Tonton Hitler. Ceci dit, le «Tonton» m'interpelle quelque peu, étant donné que la généalogie de notre cher Adolf a toujours été encombrée d'un voile mystérieux. Aux dernières nouvelles, il aurait bien eu quelques frères mais tous morts en bas-âge –les bienheureux. Et un demi-frère, Alois. Quant à sa sœur, Paula, elle n'eut pas de descendance. D'où mon interrogation: comment peut-on être tonton si on a aucun neveu à se mettre sous la main?

Mais passons sur ce simple «détail» de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Reste, la magnifique, la sublime épître, «ta oublier d'exterminer Miss Provence». On passera outre la minuscule faute d'orthographe qui caractérise le début de l'apostrophe. Qui, en apprenant que, derrière Miss Provence, se cachait une espionne du Mossad, n'a jamais trébuché sur le clavier de son portable? Qui, en apprenant les racines judéo-bolchéviques-maçonniques de la représentante de la région Provence, n'en a pas avalé son Bescherelle de surprise? Dans la fureur –führer, devrais-je écrire, ah ah ah– à dénoncer cette supercherie, on peut comprendre cette très légère entorse à la langue de Molière.

D'autant plus que le soin pris à bien mettre l'apostrophe au verbe exterminer –d'exterminer donc et non dexterminer, comme on aurait pu le craindre dans l'empressement à clamer sa légitime indignation– rehausse avec éclat le niveau de l'ensemble. Il est vrai que dexterminer aurait fait bien pâle figure tant on aurait eu grand-peine à comprendre la signification de la diatribe. Tandis que là, c'est clair, c'est net, c'est franc, c'est sans appel, quasi célinien, aussi efficace qu'un billet de train en première classe pour Auschwitz, même si le départ de Marseille ou d'Aix-en-Provence complique quelque peu le trajet, obligeant les infortunés voyageurs à traverser d'abord la Suisse avant l'Allemagne puis la Pologne.

Les autres insultes étant du même calibre, on s'excusera de ne pas les prendre trop au sérieux et de ne pas tomber à bras raccourcis sur ces jeunes décérébrés, victimes d'un confinement qui les aura obligés à se taper, en ce samedi soir funèbre, une cérémonie aussi désuète que celle des Miss France. Aussi, au lieu d'une condamnation judiciaire des plus banales et sans aucun effet, on préférera une interdiction de portable jusqu'à nouvel ordre.

Et un voyage d'études dans les camps dextermination!

Avec Tonton Hitler comme accompagnateur.

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