Quiconque n'a jamais appartenu à un chat ne saura jamais leur part de mysticisme et d'étrangeté. À échanger un regard avec eux, on comprend vite que ces animaux ne sont pas comme tous les autres: il y a chez eux une vague réminiscence d'un monde disparu, la trace d'une éternité qui ne dirait pas son nom. Moi qui suis pourtant agnostique, à force de vivre auprès d'eux, j'ai tout le temps l'impression de cohabiter avec une espèce de démiurge qui a ses entrées au royaume des cieux.
Ou autrement dit, si le chat est chat, c'est que Dieu est Dieu. Mais non, je n'ai rien fumé qui ne soit illégal! D'ailleurs je ne fume pas. Mon chat non plus. Enfin je crois. Simplement, je n'arrive pas à concilier l'existence du chat sans la lier à une intervention qui serait par essence de nature divine. Sinon comment expliquer la perfection qui est la sienne, sa grâce, sa finesse, sa délicatesse, cette façon unique d'être au monde comme si ce dernier lui devait tout?
Je veux bien croire aux théories de l'évolution, au lent travail de la nature, mais quand je contemple le résultat final, il est si admirable que je me sens l'âme d'un complotiste. Et si? Et si le chat, contrairement à nous autres humains et bestiaux, descendait directement de Dieu, qu'il fut dépêché sur la terre tel quel, déjà prêt à consoler les hommes d'être des créatures imparfaites? Et si le chat était le vrai fils de Dieu et non pas l'autre barbu qui aura refusé de reprendre le commerce de son père pour finir cloué sur une croix?
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J'irais même plus loin. Accrochez-vous, c'est du lourd. Du très lourd même. J'ai acquis la conviction que le chat domestique, et encore plus le chat d'écrivain ou de toute autre personne qui travaillerait à la maison, serait en fait la réincarnation d'un individu dont la vie lors de son passage en notre monde aura été un exemple pour nous tous, une sorte de saint, de ces êtres peu préoccupés d'eux-mêmes qui consacrent leur vie à aider leur prochain, à secourir la veuve et l'orphelin, à porter assistance à tous les déshérités de la terre.
Devenir chat serait donc la récompense suprême accordée par Dieu aux plus méritants des hommes et des femmes. Le top du top. Le Graal. C'est que je ne vois rien de plus paradisiaque que la vie de mon chat. Il ne fout rien de la journée, il mange quand il veut, il boit à volonté, il dort comme pas permis, il n'a aucune espèce de soucis. Ses crottes, c'est moi qui m'en charge. Sa nourriture, c'est moi qui l'achète. Ses soins vétérinaires, c'est moi qui les paye.
Bref, il mène une vie de rêve, de félicité absolue. On le caresse, on le brosse, on lui murmure des mots d'amour douze fois par jour. Vous connaissez des vies qui se déroulent sous des auspices aussi favorables? Moi, non. Ce n'est même pas une vie, c'est un fantasme absolu. Aucun compte à rendre à personne. Aucune obligation. Aucun devoir à accomplir si ce n'est de changer de radiateur quand le soleil se meut dans le ciel. Le tout sans même avoir à remercier quiconque.
Il n'a à s'excuser de rien. Casse-t-il un vase ou un verre qu'il ne prend même pas la peine de demander pardon. Il vous regarde gueuler dans le vide puis une fois votre colère passée, le voilà qui rapplique pour demander l'heure du prochain repas. Il ne respecte rien, ni votre intimité ni vos heures de sommeil. Et quand vous recherchez sa présence, il trouve toujours le moyen de filer au fond du placard, là où il n'y a aucun moyen de le déloger.
La prochaine fois que vous croisez un chat, prenez garde à vous.
C'est Dieu qui vous surveille.
Et vous juge.
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