Il se qualifie lui-même de «Benjamin Button» du football. Zlatan Ibrahimovic, 39 ans depuis octobre, domine le classement des buteurs en Italie cette saison. Redoutable dans chaque club où il est passé, le Suédois a la particularité d'avoir inscrit 65% de ses buts passé l'âge de 30 ans.
Zlatan Ibrahimovic : «Plus je vieillis, plus je deviens bon, comme le vin rouge, Vous aimez le vin rouge ? J'en suis un parfait exemple». pic.twitter.com/bd2D4E8roZ
— SportActu (@SportActu21) December 19, 2016
Une performance unique qui ne surprend pas ceux qui l'ont côtoyé pendant sa carrière. «Ibra a toujours tout fait à fond. Même à l'entraînement, il était hors de question de lui faire une mauvaise passe. Il passait huit heures par jour au club. Premier arrivé, dernier parti, se rappelle Alexandre Marles, préparateur physique du PSG en 2013 et aujourd'hui en poste dans le championnat chinois. La principale idée reçue, c'est qu'il faut s'économiser à l'entraînement en prenant de l'âge. C'est le contraire! Il faut en faire plus que les autres, se faire mal pour rester en forme.»
Toujours considéré comme l'un des deux meilleurs joueurs du monde avec Lionel Messi, Cristiano Ronaldo continue d'impressionner à la Juventus et avec la sélection portugaise à 35 ans. L'ancien attaquant du Real Madrid s'impose une routine de travail très intense depuis quinze ans, que ce soit en club ou à la maison. «Pour moi, la saison ne finit jamais. Je continue toujours à m'entraîner, et c'est comme ça que je reste en pleine possession de mes moyens, expliquait-il au magazine Men's Journal en 2018. Quand je ne suis pas sur le terrain, je suis à la salle de sport, focalisé sur le cardio et la musculation.»
Vitorino Hilton fait preuve d'une longévité encore plus impressionnante. À 43 ans, il est le doyen des cinq grands championnats européens. Le défenseur central brésilien, qui évolue à Montpellier, a débuté en août sa 21e saison professionnelle. «C'est un mec hyper pro. Tout est carré chez lui: son football, sa vie personnelle, jusqu'à sa manière de s'habiller», plaisante Rod Fanni. Le joueur de l'Impact Montréal aux États-Unis (MLS) a été le coéquipier de Vitorino Hilton à l'Olympique de Marseille en 2010 et 2011. Il se souvient d'un coéquipier modèle. «Il venait toujours tôt à l'entraînement et commençait par des exercices personnels avant de rejoindre le groupe. Puis, il restait encore après l'entraînement collectif pour faire du renforcement musculaire et des soins», se souvient-il.
«Il n'y a pas de secrets mais beaucoup d'efforts, racontait Vitorino Hilton à L'Équipe en août. Il n'y a pas un exercice à l'entraînement où je me cache, que je n'ai pas envie de faire. Plus on vieillit, plus on a besoin que son corps soit dans l'exigence. Il faut souffrir encore plus pour durer». Les performances physiques de Hilton lui donnent raison. Le Brésilien a été flashé à 34 km/h lors d'un match la saison dernière, soit la deuxième meilleure performance de son équipe, devant des coéquipiers de 20 ans.
«J'ai l'impression de voler sur le terrain»
S'entraîner dur pour durer ne suffit pas, encore faut-il le faire intelligemment. «Les études prouvent qu'on profite de notre masse musculaire jusqu'à plus ou moins 25 ans. Passé cet âge, on perd en masse et on gagne en graisse si on ne s'entretient pas, explique Alexandre Marles. Le meilleur moyen de garder ses facultés le plus longtemps possible est de travailler le cardio et le gainage.» Un conseil que Zlatan Ibrahimovic applique depuis des années. «À Paris, ils étaient plusieurs joueurs dont Ibra à me demander un rapport précis et quotidien sur leur performance. C'est lui qui avait le moins de masse graisseuse, je n'arrivais pas à attraper sa peau, raconte le préparateur physique. Ibra, c'est un tronc d'arbre.»
Cristiano Ronaldo a également su faire évoluer sa musculature au fil des années. Il y a dix ans, le joueur portugais laissait apparaître des muscles épais et saillants lors de ses célébrations de but. Il s'est aujourd'hui affiné et sa masse graisseuse est tombée aux alentours de 7%, quand les autres footballeurs sont à 10 ou 11%.
Il en va de même pour Karim Benzema, dont Cristiano Ronaldo est une source d'inspiration. L'attaquant français, toujours aussi performant avec le Real Madrid malgré ses 33 ans, s'est transformé physiquement depuis trois ans en perdant notamment sept kilos. «Avec les exercices, notamment de gainage musculaire, que je fais au centre d'entraînement et chez moi, j'ai l'impression désormais de voler sur le terrain. Et je suis mieux protégé des blessures», confiait-il à France Football en février 2019.
À LIRE AUSSI Les stades de foot vides influencent les résultats
Cinq fruits et légumes par jour, tout simplement
Selon Michel Martino, diététicien-nutritionniste pour des sportifs de haut niveau dont des équipes de football professionnelles, «avec l'entraînement, la nutrition et la récupération font partie des deux autres piliers de la performance. L'alimentation ne vous fera pas gagner un match, mais elle peut toutefois être l'objet d'une contre-performance, voire même d'une non-performance.»
«Mes recommandations en matière d'alimentation passent d'abord par le socle fondamental de l'équilibre alimentaire, issu des autorités sanitaires, le Programme national nutrition santé. L'un des messages, bien connu, entre autres, est de manger cinq fruits et légumes par jour», expose celui qui est aussi responsable du groupe expert en nutrition du sportif de l'Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN). Bien entendu, des apports énergétiques supplémentaires seront nécessaires chez le sportif afin de couvrir les besoins liés au volume d'entraînement. Cette optimisation peut être accompagnée de certains compléments alimentaires spécifiques, à des moments particuliers tels que la ration de récupération post-effort ou lors de la mi-temps. Les glucides sont notamment très importants pour un footballeur qui va brûler entre 3.000 et 4.000 calories par jour.»
«Il y a une vraie prise de conscience à avoir, et dès le centre de formation.»
Les grands champions comme Ibrahimovic sont extrêmement exigeants concernant leur alimentation. En 2014, le géant suédois avait demandé à changer les menus de la cantine du Paris Saint-Germain, en ajoutant notamment plus de produits frais. «Il a eu raison. On manque de produits frais et locaux dans les clubs professionnels en France, estime Michel Martino. Il y a globalement peu de clubs qui travaillent avec un diététicien-nutritionniste, une fonction souvent occupée par le préparateur physique, le médecin ou le kiné. Il y a une vraie prise de conscience à avoir, et dès le centre de formation, en donnant des bonnes habitudes aux jeunes. C'est une éducation que Ronaldo et Ibrahimovic ont reçue très tôt en Angleterre et en Italie.»
Sujet de tous les fantasmes, le régime alimentaire de Cristiano Ronaldo est composé de poisson, de poulet, de salades, de produits laitiers faibles en matières grasses et de beaucoup de fruits et légumes. Le Portugais ne mange pas de viande rouge et avale six repas par jour à raison d'un petit déjeuner, de deux déjeuners, d'une collation et de deux dîners.
«Je ne suis pas contre la viande rouge à condition de ne pas dépasser 500 grammes par semaine, même si la viande blanche est moins grasse. Je recommande aux joueurs un minimum de trois repas par jour, pouvant être complétés par des collations respectant un temps de digestion d'au moins une heure avant l'entraînement», détaille Michel Martino.
Une cabine de cryothérapie à 10.000 euros à la maison
Les années passent mais ne semblent pas non plus gêner Thiago Silva. Toujours en forme du côté de Chelsea, le défenseur brésilien a fêté ses 36 ans en septembre. Il a la particularité d'avoir investi 10.000 euros dans une cabine de cryothérapie qu'il utilise quotidiennement chez lui. Un traitement par le froid qui l'aide à récupérer très vite après chaque entraînement, chaque match, et qui lui permet aussi de brûler des graisses. «Thiago, comme Ibra, prennent beaucoup soin d'eux. Je me souviens d'un stage d'hiver au Qatar en fin d'année 2013. Le soir du réveillon, les jeunes du club ont pris quelques bouteilles et ont fait la fête. Thiago est parti se coucher à minuit et demi», raconte Alexandre Marles.
Le repos et la qualité du sommeil ont également un impact sur la récupération, et là encore, le bon sens prime pour Michel Martino. «Il faut un minimum de 8 à 9 heures de sommeil en essayant de se coucher pas trop tard afin d'avoir le temps nécessaire le lendemain pour la prise du petit déjeuner», explique-t-il. Très affûté depuis le début de la saison avec Lille, malgré ses 36 ans, le Portugais José Fonte a confié à l'Équipe en septembre «ne pas sentir [son] physique décliner». Le défenseur central portugais explique faire très attention à ses repas et à son sommeil. Il dort «à horaires fixes [23 à 7 heures, ndlr], dans une pièce à vingt-et-un degrés exempte de lumière ou d'appareils électroniques».
Cristiano Ronaldo, lui, ne fait décidément rien comme les autres. Le trentenaire s'est entouré d'un spécialiste du sommeil, Nick Littlehales, qui lui a conseillé une méthode originale avant les matchs à base de siestes plutôt que de nuits prolongées. Ronaldo effectue ainsi six siestes de quatre-vingt-dix minutes étalées dans le temps pendant vingt-quatre heures. Selon l'expert, «le sommeil prolongé provoque des rythmes anormaux, tandis que de courtes pauses en “siestes” offrent une meilleure récupération entre les entraînements et permettent aux six repas quotidiens d'être bien traités».
À LIRE AUSSI La crise du Covid-19 pénalise le foot français
L'équilibre familial
Rod Fanni ne s'imaginait pas aussi longtemps sur les terrains. «Ça fait plusieurs années que je me dis que j'arrête et puis je vois les sollicitations venir, je me rends compte que j'aime ce métier, que je suis chanceux d'être là et que je suis encore utile. Alors pourquoi arrêter?», lance celui qui fêtera ses 39 ans en décembre.
«L'autre point commun de ces grands champions est leur équilibre familial», ajoute Alexandre Marles, qui a partagé le quotidien de Zlatan Ibrahimovic et de Thiago Silva au PSG pendant un an.
Le premier est en couple depuis dix-huit ans avec Helena Seger, une ancienne mannequin devenue entrepreneure avec qui il a eu deux fils aujourd'hui âgés de 12 et 14 ans. Thiago Silva est quant à lui marié à Isabele depuis quinze ans. Les deux amoureux se sont rencontrés au Brésil alors qu'ils étaient encore enfants (elle avait 11 ans, lui 14), soit bien avant de connaître la gloire. «L'équilibre familial aide à avoir un équilibre mental, qui est très important dans la recherche de la performance», analyse Alexandre Marles.
Avec l'appui de professionnels comme Michel Martino et Alexandre Marles dans les clubs, on devrait voir de plus en plus de joueurs faire de vieux os dans le football. C'est en tout cas ce que pense Fabrice Michel, professeur de médecine et de réadaptation au CHRU de Besançon. «La longévité dans le football s'accroît car les conditions de pratique s'améliorent et l'espérance de vie aussi, expliquait-il au magazine l'Équipe en août. Avant, un footballeur était vieux à 30 ans. On verra désormais de plus en plus de joueurs au-delà des 35 ans.»