François Hollande tiendra son blog sur Slate.fr. En attendant ses billets, il ouvre le bal par une chronique inaugurale.
L'histoire de la Gauche française est faite d'une succession de désunions et de rassemblements. Certes, le parti Socialiste a réussi depuis 1981 à devenir la force principale; pour autant, il n'en a jamais été l'expression unique. Il a toujours eu besoin d'alliés pour créer la dynamique et surtout conquérir une majorité électorale. En 1981, voire en 1988 avec le Parti communiste et les radicaux. En 1997 avec la gauche plurielle. Et si ses victoires les plus emblématiques coïncident avec des aspirations unitaires, ses défaites les plus cruelles sont le produit de sa dispersion.
Aujourd'hui, en matière d'alliances, le Parti socialiste n'a guère l'embarras du choix, il ne dispose pas du luxe de l'hésitation, il n'a même plus la chance de nourrir en son sein des débats stratégiques entre ceux qui regarderaient plus à gauche et d'autres plus au centre.
En fait il n'a pas d'alliés. Il n'a que des concurrents.
Je ne parle pas ici du Parti communiste, du PRG ou du MRC de Jean-Pierre Chevènement qui, au delà des fluctuations de leur comportement, restent les partenaires pas toujours dociles mais naturels du Parti socialiste, discipline républicaine comme partage des responsabilités obligent!
Les Verts s'étaient depuis plusieurs années associés, bon gré, mal gré, à ce processus, non sans en tirer des bénéfices, si j'en juge par le nombre de leurs élus locaux. Ils assumaient leur ancrage à gauche et refusaient l'écologie apolitique. Leur rassemblement pour les prochaines Européennes avec les amis de Nicolas Hulot mais aussi avec ceux de José Bové les remet dans une logique d'autonomie et donc de compétition avec le Parti socialiste. Et celui-ci serait bien imprudent s'il estimait que, sans effort majeur, sur le plan programmatique et sans contrepartie en matière de circonscriptions législatives, un accord de gouvernement avec les écologistes irait nécessairement de soi.
Mais quand bien même le PS y parviendrait-il, il aurait toujours en face de lui, bien plus qu'a ses côtés, deux formations politiques, le NPA et le Modem, qui sont désormais dans une logique d'affrontement a son égard. Et même de dépassement puisque telle est leur perspective assumée à plus ou moins long terme.
Le NPA n'est pas un nouveau parti communiste visant à créer un rapport de force au sein de la gauche pour obliger les socialistes à garder le cap ou à donner un coup de barre. Il ne veut pas le contraindre à l'union comme dans les années 70 autour d'un programme commun. Il n'entend pas négocier avec lui pour des ministres NPA dans un gouvernement de front populaire. Pas d'avantage pour soutenir sans participer. Non, le NPA ne veut rien à voir avec le PS. Il exige de ses possibles renforts, notamment de Jean-Luc Mélenchon, qu'ils abjurent pour leurs relations passées avec la sociale démocratie et qu'ils renoncent, la main sur les œuvres complètes de Karl Marx, à entretenir tout rapport même platonique, c'est à dire électoral, avec le Parti socialiste.
Bref, le NPA veut la division de la gauche, en deux fractions irréconciliables. Et tant pis si une telle stratégie peut conduire à faire perdre - au bénéfice de la droite - des régions en 2010 par le maintien de ses listes. Il refuse de donner toute consigne de vote au second tour pour les élections au scrutin majoritaire y compris la présidentielle.
Si cette orientation prévalait dans l'extrême gauche française, ce serait une rupture historique par rapport «au front ouvrier» et à un retour à la stratégie «classe contre classe» du PCF des années 20 quand il s'agissait de «plumer la volaille socialiste».
Dès lors, chercher à séduire le NPA relèverait de la part du PS d'une désarmante naïveté, elle aboutirait à légitimer les thèses et les mots d'ordre de l'extrême gauche sans aucune contrepartie, c'est-à-dire à élever son score de 1er tour sans espoir d'en bénéficier en totalité au second.
Est-ce à dire que le salut du PS se trouverait alors du côté du Modem?
Le problème serait idéologique si le parti de François Bayrou situait ses exigences sur ce terrain-là. Mais telle n'est pas sa démarche. Il ne se place sur le champ des programmes et des idées. Il ne demande pas à confronter les positions respectives du PS et du Modem sur la relance, la fiscalité, la protection sociale ou la maîtrise de la dette, pas davantage sur l'Europe ou la laïcité. Non l'extrême centre veut occuper tout le terrain de l'opposition. Plus gaulliste que les derniers chiraquiens, plus laïque que les anciens de la FEN, plus révolté que les vieux amis d'Arlette, plus anti-sarkoziste qu'aucun ancien balladurien comme lui ne pourra jamais l'être, François Bayrou veut être tout pour être le premier de l'opposition - non pour contractualiser avec le PS mais pour le dominer et donc le briser.
François Bayrou n'est pas un ennemi de la gauche - il peut même indirectement travailler pour elle, il n'en est qu'un ersatz. Une apparence, une illusion.
Voilà le faux dilemme que rencontre le PS aujourd'hui. Il n'a pas à choisir entre le Modem et le NPA. Il a à être le plus fort pour contraindre l'un et l'autre. Et pour y parvenir, il n'a pas à être dans la surenchère, le mimétisme ou la diabolisation.
Simplement à être lui-même, le parti de la social-démocratie, du mouvement, de la justice, de la modernité. Bref la gauche qui veut agir, changer, transformer. Et gouverner.
François Hollande
François Hollande bloguera sur Slate dans quelques jours.